Drôle de coup du sort qui aura fait mourir à deux jours d’intervalle Georges Cravenne et Claude Berri la semaine dernière. Le premier fut l’instigateur de la cérémonie des César, qui depuis plus de trente ans dresse la vitrine du cinéma français. L’autre en fut le pourvoyeur officiel, ayant produit au petit bonheur films d’auteurs et grosses machines commerciales, et ayant réalisé quelques films intimistes ainsi que de pompeuses adaptations de notre patrimoine littéraire, comme pour mieux cerner un cinéma de contraste qui n’en finit plus d’essayer d’exister en résistant tant bien que mal à l’occupation américaine dans nos salles. Bref, tous deux tentèrent d’affirmer l’identité du cinéma français dans un grand élan cocoricoesque. Parallèlement à cela, deux vieux cinéastes de la Nouvelle Vague se montrent soudainement et confidentiellement à l’écran : Agnès Varda (80 ans) dans son dernier film et Jean-Luc Godard (78 ans) dans un documentaire qui lui est consacré, eux qui furent plutôt maintenus à l’écart de cette vitrine (qui n’a jamais su trop quoi faire des individualités), comme pour mieux nous rappeler que la vitalité du cinéma français n’est pas toujours dans la devanture du magasin. La meilleure des résistances se fait dans l’ombre.