Wash Westmoreland est l’un des réalisateurs d’Echo Park, L.A. Sa position privilégiée dans le quartier (il en est l’un des résidents) l’a sans doute aidé à capter l’ambiance du lieu et les liens qui unissent les membres de la communauté et à les fixer sur la pellicule. Il revient sur sa manière de travailler et sur les thèmes qu’il a développés.
Que ressentez-vous après avoir remporté deux prix au dernier festival de Sundance ?
C’est le rêve de tout réalisateur. La scène indépendante américaine est en pleine effervescence. Les projections ont été très bien accueillies par le public, mais je n’aurais jamais imaginé pouvoir gagner les deux prix, le Grand Prix et le Prix du public. Ce fut donc un grand moment de ma vie de réalisateur.
Comment avez-vous fait connaissance avec ce quartier ?
Richard et moi avons emménagé pour Echo Park en 2001. Avant d’y vivre, je pensais que Los Angeles était une ville sans âme. Mais en arrivant, à Echo Park, j’ai trouvé un environnement que j’aime vraiment. Les gens qui y vivent communiquent entre eux. Ils font souvent des fêtes ensemble. C’est une communauté bien plus soudée que je n’aurais imaginé.
Comment vous est venue l’idée d’en faire un film ?
C’est une communauté qui subit un phénomène de gentrification. La communauté latino traditionnelle est en train de changer, ils apportent beaucoup de vie au quartier. Je trouvais qu’il était intéressant d’observer ces différentes cultures vivant si proches les unes des autres, ce qui crée parfois des tensions, raciales, sexuelles. Ces éléments étaient une bonne base pour écrire un film. En 2004, on m’a demandé d’être le photographe officiel de la quinceañera de ma voisine. Ce jour-là, j’ai été stupéfait par la cérémonie.
Pourquoi avez-vous réalisé le film à deux ?
On se sent seul quand on réalise. Aux États-Unis, il y a de plus en plus de duos de réalisateurs. Si vous êtes sur la même longueur d’onde, cela facilite le travail. Dans le cas contraire, cela devient impossible. Avant d’aller sur le plateau, nous nous assurons donc que nous avons la même vision. Nous avons écrit l’histoire ensemble, donc nous faisons confiance au jugement de l’autre. Si nous avions montré un désaccord, cela aurait déstabilisé l’équipe.
Les thèmes que vous abordez sont assez durs, comme le fait d’être rejeté par sa propre famille, les gens qui ne peuvent plus payer leur loyer et doivent partir. Pourtant, la tonalité du film et la mise en scène sont assez douces…
Nous voulions atteindre une sorte de réalisme poétique. C’est pourquoi les personnages sont très réels, mais les situations sont poussées jusqu’à des limites inhabituelles. La poésie permettait d’adoucir un peu. Le réalisme, ce n’est pas que le style de Gaspar Noé. Il y a d’autres styles, d’autres manières de le traiter. Le réalisme ne se laisse pas enfermer dans un seul style. C’est le premier film dans lequel nous expérimentons ce style. Nous avons été très influencés par le mouvement cinématographique anglais de la fin des 50′, appelé le « kitchen sink realism ».
Les personnages, spécialement Carlos et Magdalena, présentent plusieurs facettes. Comment avez-vous défini leur caractère ?
Nous ne voulions pas tomber dans les stéréotypes avec ces deux personnages. Pour Carlos, nous voulions que le public s’attende à un certain type de réaction, et finalement en trouve une autre. Je pense que le public désire être surpris par les différentes facettes du personnage. Pour Magdalena, nous ne voulions surtout pas en faire une victime. Nous avons choisi Emily Rios parce qu’elle savait jouer avec une certaine fierté et sans apitoiement. Cela rendait le personnage plus fort.
Est-ce que le fait d’habiter le quartier vous a aidé dans votre manière de filmer l’espace ? Comme le tournage n’a duré que 18 jours, aviez-vous anticipé sur la mise en scène du lieu ?
Effectivement, comme nous avions un temps de tournage très court, il fallait que nous sachions exactement ce que nous voulions de chaque lieu et de chaque personnage. Nous n’avons pas utilisé de méthodes qui auraient été trop longues à mettre en place, comme les Dolly, par exemple. Nous nous sommes appuyés sur un story-board très détaillé.
Comment définiriez-vous votre film, qui oscille entre le drame et la comédie ?
Je dirais que c’est un tournant de vie, ce que symbolise bien la cérémonie de la quinceañera. Le film met en scène deux enfants qui font l’expérience des problèmes de l’adolescence et de leur propre sexualité.
Pourquoi avoir autant insisté sur la notion d’immaculée conception ?
Au moment de l’écriture, nous voulions quelque chose de différent des histoires habituelles de victimisation d’adolescentes enceintes. Dans les cours d’éducation sexuelle que j’ai eus au lycée, on nous disait qu’il pouvait y avoir un bébé même sans relations sexuelles. Je trouvais que c’était une idée très intéressante. Cela menait à un conflit très intéressant entre la jeune fille et son père. Le problème n’est pas qu’elle a eu des relations sexuelles, mais qu’elle ne dise pas la vérité. Par ailleurs, cette idée amenait une comparaison culturelle pertinente avec la Vierge Marie. Mais dans le film, ce n’est pas une allégorie !
Todd Haynes est crédité à la production du film. Quel fut exactement son rôle ?
C’est un ami, qui est toujours une grande source d’inspiration pour ses amis réalisateurs. Il a été enthousiasmé par le scénario. Il s’est beaucoup impliqué et nous a procuré de nombreuses notes. Il a aussi été de très bon conseil lors du montage.
Considérez-vous que votre film fait partie d’un mouvement gay plus général ? Vous sentez-vous proche de réalisateurs tels que Gregg Araki ou Todd Haynes, que le festival de Sundance a aidés ?
Même si les films de Todd mettent en scène des personnages hétérosexuels, on trouve dans ses films une certaine sensibilité gay. Dans Echo Park, L.A., si certains personnages sont gays ou latinos, cela n’en fait pas pour autant un film gay ou latino. Nous évoquons tous ces thèmes, mais le film est universel.