On connaissait les livres dont vous êtes le héros, à base de jets de dés qui orientent l’intrigue et les péripéties de façon aléatoire, mais George Lucas vient d’inventer l’exposition personnalisée. Avec Star Wars Identities, du 15 février au 30 juin à la Cité du Cinéma (la Mecque du septième art à la française imaginée par Luc Besson), l’inventeur de l’univers de La Guerre des étoiles invite le public à découvrir plus de 200 objets, maquettes, costumes issus des six films déjà réalisés à travers un parcours socio-psychologique censé esquisser le portrait identitaire des visiteurs.
Pourquoi Anakin est-il passé du côté obscur de la Force, tandis que Luke, lui aussi orphelin a fait le choix inverse ? Quelles composantes de l’identité de Padmé en font la meilleure souveraine ? Quels sont les profils psychologiques de Han Solo ou Chewbacca et où le fan ou le public lambda se situe-t-il dans cette mythologie ? Autant de questions qui fondent la conception de cette étrange exposition. Créée en collaboration avec de nombreux scientifiques (psychologues, biochimistes, neuropsychologues), l’exposition se veut avant tout une approche pédagogique et sérieuse des composantes de l’identité, appliquée aux héros de Star Wars. Pour cela, trois catégories (et donc trois espaces distincts de visite) ont été retenues. Les origines (espèce, gènes, parents), les influences (culture, mentors, amis, événements, occupations) et les choix (personnalité, valeurs) constituent l’arc d’exploration scientifique auquel le public est convié à participer. Par l’entremise d’un bracelet et de bornes, présentes tout au long de l’exposition, le visiteur répond à des questionnaires qui esquissent son portrait tout en découvrant en parallèle les réponses apportées par les grands personnages de la saga. Les actes d’Anakin seraient ainsi le produit de ses gènes (prédisposition naturelle à devenir un Jedi), de son éducation, de sa personnalité (névropathe) et s’il partage un bagage génétique avec Luke et Léia, le milieu familial dans lequel ils ont évolué, leurs occupations ou leurs fréquentations les ont poussés à adopter des valeurs fondamentalement différentes de celles de leur père.
Ce singulier dispositif, outre sa pertinence psychologique (tout en demeurant abordable), se double d’une exposition plus classique, mais tout aussi intéressante, qu’on soit ou non fan des films. Des figurines grandeur nature du sage Yoda ou de l’énorme Chewbacca parsèment la visite, tandis que des droïdes (R2D2) ou des Stormtroopers se faufilent dans les allées. À la différence de la récente exposition Pixar (Musée des Arts Ludiques de Paris jusqu’au 2 mars 2014) qui se contentait de produire à la file et sans grande cohérence des dizaines de dessins préparatoires, Star Wars Identities montre l’évolution des protagonistes à travers les croquis originaux, modifications soumises aux orientations psychologiques que Lucas cherchait à apporter à chacun. Les diverses métamorphoses de Chewbacca jusqu’à sa silhouette finale trouvent ainsi une explication, de même que la conception de Yoda ou l’apparence de Dark Vador. L’exposition regorge à la fois d’anecdotes, souligne le work in progress du dispositif créatif de la saga et accompagne le public dans sa propre quête identitaire. Totalement immergé dans le monde archéo-futuriste imaginé par Lucas en 1977, le visiteur est amené à laisser au vestiaire son simple rôle de spectateur pour devenir un acteur de l’exposition. Muni d’une oreillette qui ne se déclenche que dans certaines zones, identifiables par un marquage au sol, on décide de son cheminement et de sa vitesse au gré de ses envies, absolument maître de sa visite.
Si on a souvent taxé Lucas de mercantilisme (à tort ou à raison), force est de constater que la mise en scène qu’il propose aujourd’hui dépasse la simple accumulation de souvenirs de tournage pour interroger la place éminente de ses films dans la pop-culture mondiale. Le voyage en psyché de ces héros offre un miroir surprenant à chacun, rappelant que l’imaginaire, même le plus échevelé, n’est qu’une version de la réalité.