Retrouver le monolithique et musculeux Clovis Cornillac dans un rôle de chemise-trop-serrée-qui-souligne-bien-les-muscles, voilà qui nous manquait. Ajoutez à cela une Mélanie Laurent bien dans l’air du temps avec un rôle schizophrène entre l’art lyrique et l’assassinat commandité, saupoudrez le tout d’un scénario bateau et d’une mise en scène timorée : vous avez la recette parfaite pour deux heures de temps perdu.
C’est une devinette. C’est l’histoire d’une nana qui cache à son entourage qu’elle est un tueur de haut niveau, et qui est coachée par Tchéky Karyo. Oui, le même cœur bat certainement dans les poitrines de Nikita et de Requiem pour une tueuse. En revanche, l’habillage diffère : notre tueuse est ici, également, chanteuse d’opéra, ce qui va nous fournir le lieu, puisque sa cible est un collègue, ça tombe bien.
Diffère aussi la stylistique du réalisateur : si on est loin, ici, des outrances de Besson (pour ce qui reste peut-être, cependant, l’un de ses bons films), les influences avouées (Alfred Hitchcock) ou inavouées (le Mario Bava de La Baie sanglante) ne tirent pourtant pas vraiment le film de Jérôme Le Gris vers le haut. L’intention du réalisateur est visiblement de donner dans le thriller raffiné, iconoclaste et précieux. Il va donc contrebalancer le pilier central de son thriller – l’assassinat d’un chanteur lyrique beau gosse sympathique sexy et producteur de whisky à ses heures (quel CV !) gênant les intérêts d’une vilaine multinationale – avec les portraits voulus comme inattendus d’un flic des services secrets sur le retour et plutôt pas efficace (Clovis Cornillac, donc), au milieu d’une nature indifférente, en introduisant au passage une figure de tueur voulue comme originale. De fort belles intentions donc, hélas dépourvues d’un quelconque lyrisme – un comble pour un film qui se pique de lier thriller et opéra.
En fait de lien, le travail du montage de Claire Fieschi et Sophie Reine aura consisté à multiplier les effets de sur-montage dans les deux sens du terme : la musique surmontant les images dans des séquences sur-montées, avec bien trop d’effets de superposition. Avec ces séquences, bien trop souvent répétées, où Le Messie de Haendel permet de faire le tour de tous les protagonistes, le réalisateur semble vouloir se placer du point de vue omniscient de son château où se déroule l’action, du morceau de musique lui-même : on retrouve donc ici La Baie sanglante. Une pirouette qui, malheureusement répétée à l’envi, alourdit affreusement le film.
Ce regard, déjà pataud, se pose sur un scénario qui, lui aussi, semble se croire très malin, mais dont les rebondissements sont, les uns des plus hasardeux, les autres parfaitement médiocres et prévisibles : on pense plus volontiers à une parodie de seconde zone qu’à un hommage à Alfred Hitchcock. Les têtes d’affiche ne relèvent pas le niveau : bougon et monolithique, Cornillac refuse de sortir de l’ornière d’un répertoire étroit et atone, que sa performance dans Mensonges et trahison et plus si affinités démentait pourtant. Mélanie Laurent promène son joli minois – et sa plastique irréprochable dans une scène de douche judicieusement placée pour relancer l’intérêt du spectateur esseulé – mais peine à composer un rôle de chanteuse crédible, d’autant que la synchronisation entre le chant et son playback laisse voir quelques imperfections. Tchéky Karyo, revenu du cabotinage effroyable des Dents de la nuit, compose un retour du Bob de Nikita avec une certaine retenue qui parvient à convaincre, tandis que les autres seconds rôles (Xavier Gallais en tête) forment une galerie de personnages artificiels et peu convaincants.
Lorgnant ostensiblement sur les films d’action de luxe récents (Casino Royale ou Largo Winch, pour ne citer qu’eux), Requiem pour une tueuse tente d’apporter au genre une subtilité, une retenue et une grâce qui pourrait véritablement convaincre. Malheureusement, l’interprétation plate et le manque de personnalité de la réalisation ne font du film qu’un énième nanar navrant, et, qui plus est, terriblement prétentieux.