S’il y a bien une chose dont Diego Lerman n’est pas coupable, c’est d’afficher trop clairement ses intentions. Son film Refugiado tend au contraire à nous glisser entre les doigts. Pour raconter l’histoire d’une femme fuyant un mari violent avec son enfant, Diego Lerman privilégie l’atmosphère au détriment du réalisme. Pourtant, le suspense est loin d’être omniprésent dans le film et les questions initiales – qui a frappé Laura, pourquoi – se dissipent rapidement pour laisser place à la chronique d’une fuite. On en vient rapidement à se demander quel est l’objet de ce film, quelle nature d’émotion il cherche à susciter. Son esthétique distanciée laisse penser qu’en parallèle de l’histoire, quelque chose d’autre va se dessiner, quelque chose de plus ample ou de plus abstrait, ou versant plus franchement dans le registre de l’angoisse mais arrivé à la fin du film, ce renversement n’a toujours pas eu lieu.
On a pourtant eu le sentiment que quelque chose d’autre se tramait, sans doute en vertu de moments troublants, qui auraient été inutiles si le récit d’une fuite avait été le seul enjeu du film. Les jeux de Matias avec une petite fille un peu coquine, qui lui ouvre sa bouche pleine de nourriture et répète les injures de son père. Un plan sur un dessin pornographique, que les enfants côtoient innocemment. Cette nuit où mère et fils se retrouvent dans un hôtel de passe et dorment dans un love bed. On entrevoit dans ces scènes ce qu’aurait pu être Refugiado : l’histoire d’un enfant impressionné dans tous les sens du terme par des forces extérieures. Un enfant envisagé non seulement en tant que conscience, mais aussi en tant qu’inconscient encore plastique, confronté à la violence et contraint de la digérer d’une façon ou d’une autre. Ce point de vue donnerait du sens à ces scènes, mais aussi, de façon plus générale, aux constructions alambiquées des plans et même au fait que le personnage de la mère soit si vaguement dessiné. Malheureusement, Diego Lerman ne s’en tient pas tout à fait à ce point de vue enfantin et rebascule régulièrement du côté des adultes, brisant ainsi de lui-même le charme et l’originalité d’une entreprise finalement inconsistante.