Lorsque Renaud meurt dans un accident de voiture, Armelle perd soudainement toute raison de vivre. Soutenue par l’une de ses sœurs, la jeune femme consulte un médium afin de rentrer en contact avec le défunt. Une nouvelle fois, Jean-Paul Civeyrac poursuit son travail sur l’amour et la mort et truffe son œuvre de références cinématographiques. Au risque de se révéler indigeste.
Ils s’aiment et passent leurs journées entières à faire l’amour. Armelle n’en a plus que pour Renaud et le lui dit en anglais. Elle virevolte, nue, dans la chambre, se couche contre lui, se dirige vers la fenêtre pour admirer le soleil éclatant. Elle parle beaucoup, use de formules pseudo-poétiques, balance ses cheveux de droite à gauche ou d’avant en arrière. Mais lorsque son ami vient à disparaître prématurément, la jeune femme perd tous ses points de repère et mise désespérément sur les sciences occultes pour rentrer à nouveau en contact avec le défunt.
Le ton est donné. Avec une mise en scène dépouillée et une direction d’acteurs qui privilégie sans conteste l’outrance, Jean-Paul Civeyrac s’inscrit dans une démarche « auteurisante » qui sied parfois très mal au cinéma français. Les références cinématographiques ne cessent d’abonder pour rappeler au spectateur qu’il s’agit bien là d’un cinéma exigeant et surtout très cultivé. Dès la première scène, on ne peut s’empêcher de penser au Mépris de Jean-Luc Godard, ou encore aux films d’Ingmar Bergman lorsque la complexité des rapports entre les trois sœurs est mise en exergue.
Néanmoins, si la trame principale d’À travers la forêt se révèle assez creuse, le parcours halluciné de la jeune Armelle est prétexte à quelques jolies idées de mise en scène. La plus belle, certainement, est d’avoir traduit la mort accidentelle de Renaud en un seul plan-séquence où le changement brutal de lumière dans la chambre à coucher détermine insidieusement l’état dépressif dans lequel la jeune femme va basculer sans le savoir. Très naïvement, elle s’étonne dans un premier temps de ce revirement soudain de temps, se retourne vers le lit désormais vide, cherche Renaud qui a inexplicablement disparu. Si le réalisateur choisit de frustrer le spectateur dont le visage de Renaud lui restera inconnu, c’est pour mieux traduire le désarroi soudain dans lequel Armelle va basculer, totalement abandonnée à elle-même.
De ce deuil impossible, Jean-Paul Civeyrac n’exploite généralement que des situations attendues et parfois caricaturales (Armelle chez le médium, Armelle s’éprend du sosie de Renaud persuadée qu’il en est la réincarnation). Le réalisateur n’hésite d’ailleurs pas à rendre son film mal aimable, notamment lorsqu’il se complaît à filmer la jeune femme inconsolable planquée derrière ses grosses lunettes noires. Le narcissisme difficilement supportable qui émane de cette tragédie somme toute assez vue dans le cinéma (français) pourra en irriter plus d’un, car force est de reconnaître que le parti-pris de la mise en scène empiète littéralement sur la fascination que peut exercer ce personnage halluciné qui erre à la recherche de l’impossible. Il faudra attendre l’ultime scène où Armelle chavire dans une folie plus douce, moins appréhensible, pour comprendre tout ce dont le film était privé jusqu’ici : le sentiment.