Du cool, Alabama Monroe a tous les attributs : la musique entraînante, le zeste contestataire, les symboles pop et, c’est loin d’être un détail, le physique avantageux des acteurs. Quelques ingrédients qui, selon Felix Van Groeningen, semblent suffire à donner corps à l’intrigue amoureuse et familiale mise en scène. Enfin, n’oublions pas que le réalisateur et son scénariste y ajoutent une narration éclatée – le résultat s’agglomère de façon presque évidente comme un pot-pourri tendance et tire-larmes, qui ne réussit jamais à faire sentir la passion censée battre dans le cœur et le corps des protagonistes.
Linéairement, Didier et Élise se rencontrent et tombent amoureux. Lui est musicien dans un groupe de bluegrass, elle une belle tatoueuse qui va devenir chanteuse dans la bande de son prince – et surtout va tomber enceinte pour ne s’en rendre compte que trois mois plus tard. Du couple naît donc Maybelle, enfant adorée bientôt malade d’un cancer qui l’emporte et laisse les deux amants se déchirer jusqu’à la fin.
Si ce résumé rapide ne dévoile en rien le suspense éventuel du film, c’est que le récit d’Alabama Monroe n’est pas linéaire. Sa temporalité éclatée, qu’on ne peut pas qualifier d’originale, laisse évoluer le récit au fil de la musique, des belles images, des beaux décors – et surtout des moments censés valoir pour leur intensité uniquement, qu’elle soit sensuelle ou émotionnelle. De la passion amoureuse dont il est question, Felix Van Groeningen ne retient que les moments de tension, d’émotion, de crise, dans le désordre : première nuit, enterrement, annonce de la maladie, de la grossesse, demande et mariage, etc. Bien que tout cela soit assez délicatement stylisé (le physique d’Élise, selon la longueur de ses cheveux ou la quantité de tatouages qu’elle a sur le corps, est l’indicateur du temps qui passe et le signe qui renseigne sur l’époque à laquelle on se trouve dans chaque séquence), Alabama Monroe ne garde de son sujet que la fiction branchée et l’émotion coup de poing – prétendant d’une façon ou d’une autre offrir de la passion, du deuil, une version universellement acceptable. Voilà un film bien marketé, en somme…
Ce jugement est sévère, car tout n’est pas à jeter dans Alabama Monroe. Malheureusement quand vient l’écran noir et le mot « fin » qu’on y devine, ce deuxième long-métrage, grand succès au box-office belge dans le premier semestre 2013 où la musique du groupe The Broken Circle Breakdown (titre original du film) a suscité un fort engouement – quand vient cet écran noir, donc, il semble tout à coup qu’Alabama Monroe n’a été qu’un emballement répétitif de bonnes idées bien stylisées, une fuite en avant trop rapide. À vouloir recenser et montrer tous les moments intenses de tant d’années d’une histoire tantôt agréable, tantôt douloureuse, Felix Van Groeningen n’en garde que la surface, la pose, le détail. Un comble pour un film censé montrer la chair et l’esprit de l’amour – et qui n’en garde, en fait, que l’emballage.