Contournant l’inébranlable dress-code cannois, toute l’équipe de La Merditude des choses est arrivée sur la Croisette lors de la projection officielle…à poil et en vélo. Une entrée en matière ébouriffante pour un film qui, ne l’étant pas moins, fut l’une des très bonne surprises de la Quinzaine des réalisateurs.
Gunther Strobbe vit dans un village de la Flandre profonde (appelé dans sa traduction française «Trou-Duc Les Oyes»), où il habite avec sa grand-mère, son père et ses trois oncles. Chez les Strobbe, pas de chocolat chaud en rentrant de l’école… l’enfant est autorisé à prendre une part allègre aux beuveries des grands puisque, comme le remarque son père, une bonne cuite « ça fait grandir ». Entre deux folles sorties au bistrot du coin et les visites répétées de l’huissier de justice, Gunther tente d’esquisser, discrètement, un autre chemin que celui auquel sa famille le croyait destiné.
Hallucinogène dès les premières minutes (la séquence initiale donne à voir tous les hommes de la famille, déguisés en femmes extravagantes, buvant jusqu’à tomber ivre-morts), La Merditude des choses est le récit rétrospectif que fait Gunther, devenu adulte et aspirant écrivain, de son enfance tumultueuse. Félix Van Groeningen, dont c’est le premier long métrage, réussit le prodige de filmer les choses les plus graveleuses ou désespérées sans jamais tomber dans la complaisance et sans jamais se départir, c’est le plus remarquable, d’une réelle poésie. Truculent et pantagruélique, le film est rugueux sur le fond comme il l’est sur la forme : l’image, parfois brouillée, salie, et le montage saccadé au possible épousent les formes abruptes du récit, fait de soubresauts alcoolisés, de flash-backs sauvages et de danses endiablées. Et au détour de ces intermèdes délirants, qu’habitent des personnages tous remarquablement incarnés (mention spéciale à Koen De Graeve qui joue le père) on sent affleurer, comme la plus évidente des incongruités, une infinie tendresse.