Un ancien bad boy en liberté conditionnelle retrouve après plusieurs années sa fille fugueuse et les embrouilles qui vont avec, et décide de renouer avec ses vieilles et violentes habitudes pour la protéger. Le pitch de Blood Father est on ne peut plus basique, le produit filmé ne l’est guère moins.
Coproduction franco-américaine, Blood Father n’a visiblement été pensé que pour capitaliser sur les prestiges, actuels ou passés, des deux noms sur son affiche. L’un fait tout ce qu’il peut pour mériter cette remise en avant, l’autre se montre plus paresseux. Le premier, c’est Mel Gibson, très à son aise dans le registre familier du marginal rugueux mais sympathique et roulant volontiers des mécaniques face à l’ennemi. La présente variation de ce schéma de personnage, avec son côté repentant mais pas trop (en tout cas, pas plus que le spectateur n’attend de lui), invite ostensiblement à la comparaison avec la situation de l’ex-star, ses positions idéologiques bien droitières, les scandales de son comportement qui ont terni son image même à Hollywood, son besoin évident d’être aimé de nouveau. Le seul problème de Gibson, ici, survient quand le film se perd dans quelques clins d’œil à sa filmographie, tâchant de le laisser étaler la palette de son jeu, parfois jusqu’à la contradiction : ainsi le passage d’une scène d’action avec commentaires comiques façon L’Arme fatale (telle que celle où il maugrée contre sa fille tandis qu’on canarde son mobile-home où ils sont enfermés) à la brutalité sans second degré ne convainc-t-elle pas vraiment. L’autre nom de l’affiche, c’est Jean-François Richet, encore bien vendu en France et aux États-Unis alors qu’il ne fait plus vraiment illusion sur son horizon de faiseur honnête mais à la personnalité toute relative. Ici comme dans son Assaut sur le Central 13 ou son diptyque Mesrine, il filme avec énergie et sans trop de graisse, mais reste fidèlement à la remorque du programme minimal et vaguement opportuniste de la production, programme dans lequel son savoir-faire évident se garde bien de trancher par un point de vue tant soit peu personnel.
Pas de sortie de route
Le fait est qu’en dehors de voir deux noms connus faire acte de présence et se rendre à eux-mêmes quelques hommages cinéphiles (jusqu’à un clin d’œil à Assaut sur le Central 13), Blood Father semble décidé à ne jamais, au grand jamais dépasser un statut de série B générique, remplissant sans faire la moindre vague un contrat aux termes prévisibles de bout en bout. Le film reste chevillé à son script interchangeable de course-poursuite émaillée de fusillades, d’intermèdes comiques, de considérations gentiment paternalistes sur le temps perdu à rattraper et les erreurs à affronter. Et quand on écrit « chevillé », c’est qu’on ne trouve rien qui vienne perturber l’illustration compétente mais soumise de ce qui est attendu : pas un plan, pas un instant, pas un sursaut de comédien qui instillerait quelque trouble, qui suggérerait que se joue autre chose que ce qui nous est donné à prévoir. Comme si le film était voué dès le début à ne rien accrocher dans les mémoires, à ne faire que passer en rappelant le nom de Gibson. Tout au plus, au détour d’une conversation sur la récupération des mouvements culturels contestataires dans la culture de masse, croit-on entendre Richet tâcher de glisser dans nos oreilles un indice sur sa conscience de sa propre condition – lui qui a commencé dans le « film de banlieue » sous influence marxiste (pour mémoire : État des lieux et Ma 6-T va crack-er), et qui depuis poursuit une solide carrière de mercenaire.