Voici le deuxième opus des aventures de Jacques Mesrine. L’Instinct de mort n’était que peu convaincant dans sa tentative de faire de Mesrine un personnage de fiction, bien que son allure de polar du dimanche soir efficace le rendait tout à fait regardable. Ce film-ci, tourné en même temps que le précédent, en bonne logique, ne nous éclaire pas tellement plus sur le fameux criminel.
Souvenez-vous ! Il y a un mois sortait sur nos écrans Mesrine, l’instinct de mort, qui relatait l’ascension de Jacques Mesrine comme gangster émérite. Conçu en deux films, voici maintenant le second volet de ce biopic ambitieux, qui s’attarde sur la partie de la vie la plus connue du célèbre bandit, celle où il fit la une de la presse française, du temps où il était l’ennemi public numéro 1. Précédemment, nous rendions compte de l’équation fatale qui veut que plus un film français à fort budget tente de servir son sujet avec sérieux et application, plus il sera voué à l’esthétique du téléfilm de luxe, empêtré dans la toile du cinéma de qualité, le bon vieux cinéma de papa, pas forcément désagréable mais franchement dépourvu de personnalité. Ainsi, entre le producteur Langmann, le réalisateur Richet, l’acteur Cassel et le scénariste Dafri, difficile de déceler un vrai point de vue sur Mesrine. Tantôt héroïsé, parfois cruel, de temps en temps sentimental, occasionnellement sympathique, le film alterne un peu artificiellement les différentes facettes de sa personnalité sans vraiment l’homogénéiser, comme si, par peur de se positionner, on préférait brasser tous les aspects connus de Mesrine pour n’en choisir aucun. Le procédé est un peu facile (et pour tout dire, un peu pleutre) et donne une impression de flottement maladroit, d’hésitation malheureuse, de timidité malencontreuse. Mesrine, c’est avant tout une énigme, et plutôt que d’en montrer les différents côtés contradictoires, plutôt que de tenter de la percer, c’est le filmer en tant que tel qui aurait rendu ce personnage cinématographiquement intéressant. C’est une des choses qui manque le plus au cinéma français commercial par rapport au cinéma américain : la radicalité du traitement. Ils n’ont pas peur de se mouiller, eux, d’aller jusqu’au bout de leurs idées, même les plus fâcheuses (comme de réduire George W. Bush à un brave gars un peu complexé). Ce qui en fait tout le sel, c’est qu’ils jouent sans filet.
Tandis que chez Langmann/Richet, la ceinture de sécurité est de mise. Tout a été fait de manière à ce que personne n’ait trop à se plaindre : l’opposition entre les différents services de police, qui ralentit considérablement la traque de Mesrine, est minimisée, le rôle des médias dans la construction du mythe du personnage est quasi inexistant, le caractère ultra-violent du gangster est ponctuel, et orienté à l’égard du personnage douteux (comme le journaliste d’extrême-droite de Minute). À propos de cette scène qui figurait déjà, de façon presque identique, dans la précédente biographie consacrée à Mesrine (Mesrine, d’André Génovès, 1984, dont le film de Richet semble être une version boostée aux hormones), elle est caractéristique de la tendance aux « passages obligés » qui guide cette deuxième moitié du diptyque. Sa vie n’y est pas racontée, elle est passée en revue. Les épisodes célèbres qui captivèrent les français à la fin des années 1970 sont illustrés là où, ne serait-ce que pour avoir une vraie différence avec le film ramollo de Génovès, on aurait voulu les voir incarnés. En l’état, on n’en saura pas tellement plus sur l’ennemi public numéro un après avoir vu ce film qu’après un documentaire télé sur une chaîne hertzienne. Mesrine (peut-être parce que c’est impossible) n’arrivera toujours pas à devenir le héros cinématographique que sa vie atypique laisse pourtant fantasmer. Langmann n’a donc pas réussi à donner au cinéma commercial français le souffle dont il avait besoin et Richet continuera de filmer sans vague mais avec énergie ses prochains films, comme il l’a toujours fait, en tirant des coups de feu dans l’eau.