Il y a trois ans, Bruno Podalydès retrouvait avec Adieu Berthe la liberté de Dieu seul me voit (1997), survolant au passage une comédie française à la peine. Si Comme un avion est un peu moins riche, il affirme la singularité de l’univers du réalisateur, tout en douceur et en poésie. On y accompagne Michel, qui se rêve pilote d’avion depuis toujours, mais découvre à cinquante ans passés qu’il est peut-être plus paresseux et moins aventurier que prévu. Ses désirs d’ailleurs vont pourtant finir par se réaliser lorsqu’il décide de partir pour un road trip maritime… en kayak.
Mécanique burlesque
Podalydès construit tout le burlesque du film sur cet écart qui sépare les ambitions de son personnage de ce qu’il advient réellement. C’est d’abord son obsession aérienne qui prend un coup dans l’aile. Mais c’est aussi rapidement le kayakiste de l’extrême qu’il s’imagine être qui va être revu à la baisse. Lorsqu’il lève enfin l’ancre, c’est avec toute la technologie possible : « Oui, c’est vrai, j’accorde une grande importance au matos », avoue-t-il avec le plus grand sérieux. Pierrot la Lune fantasmant le voyage, Michel a bien du mal à sortir de son petit confort. Équipé comme pour une expédition au Pôle nord, son chemin s’achève pourtant rapidement quand il trouve à monter sa tente à quelques kilomètres seulement du départ, dans le jardin d’une maison d’hôtes. Dès lors, pur comique de répétition, chaque fois qu’il tentera de reprendre la route, il sera ramené au petit îlot paisible. Qu’enivré par l’absinthe on le retrouve assoupi au milieu des branches, ou qu’il finisse sur le parking d’un supermarché à négocier sa nuit avec un vigile sympathique, Michel retrouvera infailliblement Laetitia (Agnès Jaoui) et Mila (Vimala Pons). Le road trip anticipé s’avère donc rapidement avorté pour ce personnage finalement plus à l’aise dans son petit cocon : il en est d’autant plus attachant.
Bulle d’été
Il y a dans Comme un avion une grande attention aux petites choses. C’est d’un côté le plaisir gamin que peut avoir Michel à utiliser son matos, sortes de jouets pour adultes ; sur ce point, Podalydès est très inventif, et la fascination qu’il porte à ses objets en fait un petit Buster Keaton de camping (tente Quechua 2-secondes, réchaud miniature, bruiteur anti-moustiques plus nuisible que les moustiques…). C’est aussi le petit déjeuner qu’il trouvera en sortant de sa tente sur le parking du supermarché, ou encore le jeux de piste qu’organise Laetitia pour le mener à elle. Si ce dernier frôle une morale carpe diem un peu limitée à la Amélie Poulain, le film parvient toujours à nous emporter par l’humour. On se laisse volontiers glisser avec ce personnage qu’un rien satisfait.
Comme dans presque tous ses films, Podalydès filme également très bien le rêve, moyen de briser un peu le rythme, de mieux partir pour revenir, d’enrichir l’image d’une tonalité toujours plus fantasmée. Au-delà d’une interprétation psychologisante, c’est surtout un moyen de jouer avec les images, toujours entre la poésie et l’humour. De la même manière, le film s’avère être une petite bulle hors du temps. Instant de liberté privilégié, celle-ci éclatera alors paisiblement lorsque Michel retrouvera enfin sa femme ; après que chacun aura pris le temps de vivre de son côté et sera à nouveau prêts à goûter le plaisir des retrouvailles. C’est très simple, mais ça fonctionne, et c’est très beau.