Bruno Podalydès, qui s’était fait remarquer en 1999 pour Dieu seul me voit, nous propose aujourd’hui sa version du Mystère de la chambre jaune. Pour ce film, encensé et très attendu, il retrouve son frère acteur, l’excellent Denis Podalydès pour un Cluedo grandeur nature qui se révèle de bout en bout décevant.
Dieu seul me voit (1998) et Le Mystère de la chambre jaune n’ont rien à voir. Dans le deuxième film, il n’est aucunement question d’aborder le portrait d’un trentenaire lunaire qui vit tout aussi mal la dispersion de sa vie sentimentale que son début de calvitie. En adaptant un vieux classique de la littérature populaire de Gaston Leroux, les frères Podalydès se sont vraisemblablement amusés à faire un film-récréation, se délectant d’une certaine régression dénuée de toute prétention. Film intimiste dans une moindre mesure, il nous semble possible d’imaginer les deux frères dans leurs jeux d’enfants, organisant quelque enquête où toute l’histoire, écrite et sue à l’avance, serait une sorte de parcours initiatique au bout duquel poindrait l’espoir de devenir enfin adulte. Passée cette émouvante constatation, le film respecte dans le moindre détail les conventions du genre, évitant de s’aventurer trop loin d’une route balisée dès le départ.
Une tentative d’assassinat a lieu dans une chambre jaune fermée de l’intérieur et dans laquelle on ne trouve nulle trace du potentiel meurtrier. Deux équipes sont alors dépêchées afin de résoudre l’obscure l’enquête : l’inspecteur Frédéric Larsan (Pierre Arditi), accompagné de ses hommes en noir, certainement issus d’un tableau de Magritte, et face à eux, un duo de journalistes, Rouletabille (Denis Podalydès), assorti d’un bras droit plutôt gauche, Sainclair (Jean-Noël Brouté). De là, chacun va avoir sa propre conception de la vérité, fantasmer ce qui aurait pu se passer mais qu’aucun d’entre eux ne semble pourtant avoir vu. De déductions attendues en hypothèses plutôt délirantes, le mystère ne va cesser de s’épaissir autour de la victime, la quasi-muette Mathilde Stangerson (Sabine Azéma), dont on devine assez rapidement qu’elle sait tout mais qu’elle ne veut rien dévoiler.
La machine est en place, bien huilée : tout doit être pourvu d’une logique sans faille, dénué du moindre hasard. Tel un Tintin décontenancé par les mystères de la Castafiore, le reporter Rouletabille évolue au sein d’une histoire écrite à l’avance où les faits et gestes de chacun sont explicités peu avant ou répétés juste après. Face à cet exercice de style pour le moins risqué, on peut inévitablement ressentir un certain ennui, tant les images ne semblent jamais décoller de la simple illustration de bande dessinée, déboutant les personnages de toute humanité et de toute singularité. Tout comme l’intrigue qui ne suscite qu’indifférence, l’humour est attendu et préparé, résonne le déjà-vu, laissant le tout se balancer au-dessus d’un vide immense, et ne comptant finalement que sur la performance des acteurs. Pourtant, au milieu du film, l’humour décalé semble enfin poser ses marques en la personne de Sainclair et de son interprète, Jean-Noël Brouté, mais très vite, la caricature ambiante renvoie rapidement le propos aux conventions du genre, s’attachant à nous exposer avant tout des personnages en proie à des certitudes qu’ils vont tenter coûte que coûte d’imposer dans une réalité commune qui ne leur appartient pourtant pas.
Une fin clairement explicative met un point d’honneur à distiller tout le peu de mystère dans une vérité pour le moins décevante. Et pourtant, le vrai mystère demeure autour de Rouletabille, reporter au nom farfelu, dont nous ne saurons pas tout de ses motivations si singulières. En dépit d’une conclusion sympathique, le parti pris de l’explicatif n’est pas sans nous rappeler le procédé d’un film tel que 8 femmes de François Ozon : un jeune réalisateur s’amuse d’acteurs confirmés et prisonniers de rôles qui les ont consacrés, les place dans une sorte de Cluedo géant et ludique, pousse le trait d’un humour clairement identifié « made in France ». En définitif, si le plaisir peut poindre, l’œuvre n’apporte rien de nouveau au cinéma, notamment français, qui se fourvoie de plus en plus dans un statisme pour le moins agaçant.