Les noms des acteurs et des actrices du nouveau film de Bruno Podalydès s’affichent au générique par paires, au sein de plans coupés en deux par des battants de volets en train de s’ouvrir. Cette ouverture place d’emblée Wahou ! sous le signe de l’équilibre et de la symétrie. Il est vrai que tout va ici par deux : du tandem d’agents immobiliers joués par Karine Viard et Bruno Podalydès aux deux logements qu’ils font visiter, un appartement moderne et une maison ancienne. Cette dualité donne corps à la fantaisie humoristique de bande-dessinée suggérée par le titre : on y voit défiler un couple flanqué du même vélo pliant et du même casque bleu, deux promoteurs chevauchant un scooter identique, deux prises électriques filmées côte à côte au milieu d’un mur jaune, etc.
L’harmonie suscitée par cette construction renvoie à l’émotion esthétique que les personnages principaux cherchent à obtenir des visiteurs, auxquels ils arrachent le « wahou ! » tant convoité. Ces visites sont tout à la fois des histoires de chiffres (la transaction visée) et d’impondérables (le coup de cœur) : le principe de symétrie exprime alors aussi bien l’idée d’une apparente perfection que d’un compromis entre ces deux idées opposées. Mais Podalydès s’amuse d’emblée à pulvériser ce cadre en apparence ordonné : la visite par laquelle commence le film est menée par un groupe excessivement large. C’est en réalité une troupe d’opéra, qui arrive sur les lieux dans une procession de véhicules dont les portes n’en finissent pas de claquer. La dimension comique du récit tient à ce que les aléas des visites ne s’ajustent jamais à la figure symétrique annoncée dans le générique. Les couples représentés – des acheteurs potentiels qui s’aventurent dans un appartement ou des vendeurs peinant à céder leur maison – sont constamment interrompus par une tierce personne. Les personnages sont soit trop nombreux (plus de deux), soit seuls, comme c’est le cas du personnage de Catherine, joué par Karin Viard, qui fait le deuil de son compagnon.
La satire s’appuie sur le dédoublement de la mise en scène : les agents immobiliers veulent écrire d’avance la manière dont une visite va se dérouler et maîtriser la communication des informations, dans un idiome qui leur est propre, faisant la part belle aux « beaux volumes », « cachet » et autres « triples séjours lumineux ». Mais Podalydès ne se contente pas de bousculer ces plans bien agencés en les ouvrant à l’imprévu. Prenant une certaine liberté avec son dispositif, le film finit par donner une véritable consistance aux lieux et aux personnages qui les traversent. Oracio apprend de son stagiaire, Yvette boit du whisky avec une visiteuse insistante, Catherine est émue par une infirmière en détresse : Podalydès cède en définitive au charme des rencontres. Même dépareillés, des duos ont eu le temps de se former.