Alors qu’il vient de perdre sa femme dans un accident de voiture, Davis prend conscience qu’il ne ressent rien. Appliquant à la lettre un conseil de son beau-père, il se met à démonter tout ce qui l’entoure pour mettre les choses à plat et trouver ce qui ne fonctionne pas. Lorsqu’il s’attelle à son propre mécanisme, il découvre bien sûr que c’est son cœur qui lui fait défaut. La métaphore est un peu téléphonée ; elle deviendra grossière quand le jeune trader se mettra en tête de désosser sa belle maison, symbole du matérialisme qui le retenait jusque là prisonnier. Bâti sur un scénario très théorique, Demolition montre aussi les limites de la mise en scène de Jean-Marc Vallée et a donc beaucoup de mal à s’incarner. Il faudra attendre un hold-up final pour que le film sorte un peu la tête de l’eau.
Exsangue
D’une situation figée à une autre, les personnages restent enfermés dans des portraits convenus. Il y a donc Davis, qui renaît à la vie contre le monde sclérosé des conventions bourgeoises. Il croise sur son chemin Karen, une mère de famille paumée qui va apprendre à se protéger de relations malsaines. Et son fils, Chris, un adolescent rebelle qui va enfin s’accepter tel qu’il est. Chacun s’affirme et inverse sa situation initiale, mais avec une telle dualité qu’on en retire finalement que des stéréotypes. Il est assez dommage pour un film qui se proposait d’évoquer la résurrection d’un homme qu’on sente aussi peu d’émerveillement. Le problème c’est qu’au lieu de chercher à nous faire ressentir la nouvelle énergie qui traverse ses personnages, Vallée se contente de la nommer, de la montrer, comme si cela suffisait à la faire exister. Il se tient trop en retrait de leurs sensations pour qu’elles puissent nous parvenir.
Incrustations
Malgré tout le film trouve, in extremis, une once de cette émotion tant recherchée qui le sauve d’une déroute complète. Si Vallée n’est pas un grand cinéaste de l’instant, il a quand même dans sa manche un atout, son outil de prédilection : le flashback. De manière plutôt subtile, celui-ci s’est incrusté tout au long du film, rapportant ça et là à Davis des images de sa femme à mesure qu’il replongeait dans la vie, et sans qu’on y fasse vraiment attention. Pourtant, c’est bien lui qui amène l’envolée finale du film, très simplement, en ouvrant sur la nécessité de prendre soin de ce qui est là. Vallée est plus adroit dans ce genre de la profession de foi. Le message n’est pas révolutionnaire mais il permet enfin à quelque chose de sortir du film, de passer.