Dans l’enceinte d’un stade grand comme deux fois le Vélodrome, pendant les prolongations d’une finale opposant son équipe à la Suède, une superstar du foot portugais se voit prise d’hallucinations zinzins : des toutous géants et roses galopent sur la pelouse, l’empêchant de remporter le match et d’accomplir son destin héroïque. S’ajouteront à cette première vision beaucoup d’autres, toutes floquées de l’AOP « frappadingue », mêlant le complotisme au conte de fées dégénéré en passant par le Brexit. Car voilà donc à quel challenge répond le premier long-métrage de Gabriel Abrantes (jeune réalisateur venu du Fresnoy, déjà auteur de plusieurs courts-métrages, dont quelques-uns assez beaux) et son collègue Daniel Schmidt : élever une collection de mignardises sur un océan de banalités, au prétexte de croquer l’absurdité du monde via les yeux d’un crétin (ce qui permet de ne pas trop bosser). Tout le film trempe dans une arrogance frimeuse drapée des atours du « contemporain », semant ses trouvailles arty au beau milieu d’un champ de patates pour le seul plaisir d’encanailler les caniches de Jeff Koons avec Cristiano Ronaldo – le footeux bling bling à l’origine du personnage. Sur fond d’humour LOL (scoop : les footballeurs sont des abrutis), Diamantino se contente ainsi d’accrocher l’icône prolo sur les cimaises d’une biennale chic, avec une fausse candeur d’enfant de chœur qui peine à dissimuler son insupportable sourire en coin.
On aurait pu feindre de s’extasier de ses audaces, saluer cet appétit des crossovers farfelus qui lui vient sans doute un peu de Miguel Gomes – à qui le tandem pique un acteur, Carloto Cotta, qui est la seule satisfaction du film –, ou faire semblant de s’amuser de son esprit iconoclaste et lui pardonner sa pédanterie, si seulement la farce ne se faisait au détriment du populaire. Car Diamantino n’est pas seulement nul, mais discrètement antipathique. Il filme l’idiotie de son personnage tout en faisant clignoter les lampions de la fiction intelligente, pour bien nous montrer qu’il n’est pas bête. Le problème, c’est qu’à force de calfeutrer son scénario pour s’éviter tout procès en naïveté, le film fait l’effet d’un stratagème d’épicier à la main lourde, badigeonnant copieusement le tout de poudre aux yeux pour détourner notre attention de la platitude des enjeux : soit, en mettre plein la vue et bourrer son shaker de sujets fun (le foot, la parano, la crise économique, les complots, la CIA, les transgenres – bref, tout ce qui pourrait figurer sur l’étagère « contemporain » des rayonnages de l’art pour les nuls) pour s’épargner l’effort d’en parler. Que ceux qui nous en voudraient de tirer sur des ambulances se rassurent, car le film de Gabriel Abrantes et Daniel Schmidt ne cherche que les ricanements narquois de quelques-uns – ceux qui peuvent comprendre, voyez-vous.