Contes immoraux
La recherche de la jouissance : voilà le thème qui relie les trois contes de Gabriel Abrantes rassemblés sous le titre de Pan pleure pas après voir vécu leur vie indépendamment en festival. Dans Liberdade, un jeune Africain impuissant dérobe du viagra dans une pharmacie pour satisfaire à nouveau sa compagne asiatique. Taprobana s’immisce dans les relations scatologiques de Camões et de sa maîtresse Dinamene au XVIe siècle en Inde, avant que le poète ne cherche à rejoindre sa patrie. Ennui ennui raconte l’enlèvement par un seigneur de guerre afghan d’une bénévole de Bibliothèque sans frontière vierge et trentenaire. Le propos de Abrantes est bien entendu de faire résonner ces trois récits distincts entre eux. Brodé à des époques et dans des lieux différents, le motif est abordé dans un genre cinématographique singulier à chaque film. Le romantisme sur fond de crise sociale planétaire pour le premier, le récit édifiant fantastique pour le second, la farce qui lorgne du côté du film de guerre pour le troisième. Mais derrière un ton qui se veut libertin, le propos de Pan pleure pas n’entend pas se limiter pas à l’observation des manifestations du désir : il prétend faire de l’attirance physique la métaphore des relations géopolitiques, toutes époques et zones du monde confondues.
Désordres du monde = mise en scène foutraque?
L’Afrique qui ne bande plus, émasculée par la présence chinoise sur ses terres ; la poésie exaltant la gloire nationale portugaise sauvée par une étrangère qui le paie de sa vie ; en Afghanistan, le trio diplomatie, humanitaire, terrorisme est pris dans un jeu de séduction plus ou moins sauvage. Tandis que la mise en scène recherche, par les coqs à l’âne du récit et les zooms d’une caméra qui gigote sans jamais rien cadrer, une forme libre et un ton débridé, le propos reste uniformément simpliste. À trop se revendiquer foutraque, le film finit par paraître paresseux et superficiel.
Et à part ça ? À part ça, le mystère de la présence d’une actrice, au cinéma, c’est quand même quelque chose : Laetitia Dosch et Édith Scob, à elles seules, donnent de la grâce à Ennui ennui. Le beau duo qu’elles composent parvient par moments à faire entrevoir les effets de raccourci entre crudité et naïveté, profondeur et superficialité, auxquels le film aimerait accéder dans son ensemble.