Les films pour ados sont-ils, de tout temps, sortis d’un moule immuable, d’une formule qui ne variait que par son habillage, avec un substrat intellectuel toujours identique ? Seule l’indulgence de l’âge, au moment de la sortie, permettrait-elle de voir autre chose ? En un mot, y a-t-il dans la multitude d’avatars de la recette Twilight quelque chose que l’âge adulte défend de percevoir ? À voir ce Divergente, calque presque intégral des Hunger Games sans beaucoup de saveur ni de personnalité, on peut se poser la question.
On prend les mêmes et on change un tout petit peu
À bien y réfléchir, cela remonte plus loin : le récit initiatique de la transgression comme accession à l’âge adulte, c’est vieux comme l’art narratif. Nous voici donc à suivre les pas de Tris, dernier avatar en date du genre, ado inquiète à la veille de son arrivée à la citoyenneté adulte de son Chicago post-apocalyptique. D’ici peu, elle devra rentrer dans une des cinq castes, définies par la vertu cardinale : courage, honnêteté, intelligence, empathie ou générosité. Malheureusement pour elle, elle se révèle donc être divergente, ce qui signifie qu’en elle, chacun de ces traits est également fort – et le pouvoir en place ne saurait tolérer une telle anomalie.
Bis Repetita
Le succès de la saga Twilight a ouvert la voie à une foule de clones, plus (les livres Hunger Games) ou moins intéressants (tout le reste). L’idée centrale est d’inclure deux axes : 1) une romance et 2) une attitude de défi à l’égard de l’ordre établi. Pour le reste, peu importe la trame de fond – ici une forme dépouillée de science-fiction post-apocalyptique –, qui ne sert le plus souvent que de prétexte. Le système des castes de Divergente rappelle les maisons de la saga d’Harry Potter et, comme les adaptations ciné des livres de J.K. Rowling, il n’est guère approfondi. Le film survole son univers, faisant de son mieux pour donner de l’ampleur à son monde répressif. Hélas, on reste dans le plus parfaitement superficiel, avec une intrigue qui se veut politique, mais qui se contente d’opposer une libre pensée immature à un grand méchant règne de la pensée unique répressive et nivelée par le bas – en somme : l’idéal de la bannière étoilée contre celui des horribles communistes rouges. Ça faisait longtemps. D’ailleurs, à l’heure où la hard fantasy politique mature de Game of Thrones bat des records d’audience, il est désespérant de constater l’appauvrissement des ambitions narratives du genre de blockbusters dont est issu Divergente – même le monde pourtant âpre et sévère des Hunger Games de Suzanne Collins n’est parvenu sur le grand écran que dans une version affreusement édulcorée. Espérons que cela ne soit dû qu’à une question de durée.
Un tout petit peu de neuf
Divergente possède cependant quelques qualités : en premier lieu, nous épargne-t-on le romantisme niaiseux de La Cité des ténèbres ou des Twilight : pour une fois, la sempiternelle histoire d’amour n’est ni trop sirupeuse, ni trop présente. Dans le rôle de l’héroïne, Shailene Woodley étonne par une composition discrète et mesurée, tandis que son alter ego Theo James en fait des tonnes. Neil Burger semble parfois vouloir exister, avec quelques traits de mise en scène nerveux qui rappellent son style sur Limitless, mais elles sont noyées dans un tout démonstratif au service d’un récit qu’on devine affligé de la maladie des scènes-du-bouquin-qui-sont-indispensables, le tout appuyé par une musique ronflante et à la subtilité pachydermique. Hors cela, Divergente n’est qu’un énième clone d’un genre qui n’en finit plus de se répéter, de façon fatigante.