Dans la jungle de la littérature jeunesse et de ses adaptations, la trilogie Hunger Games de Suzanne Collis se distingue par la rigueur de ses problématiques et par son cynisme sans concession. Le succès en librairie ayant été au rendez-vous, les personnes chargées de l’adaptation cinématographique ont les mains liées – il va falloir une fidélité servile au livre, gage des transpositions les plus plates. Avec une augmentation de budget substantielle entre le premier et le deuxième épisode, au moins les fans en auront-ils pour leur argent.
Nous revoici donc à Panem, où le geste de défiance de Katniss Everdeen a mis à mal l’apathie résignée dans laquelle la capitale tient ses douze districts. Le tyran local, le Président Snow (Donald Sutherland), tient à récupérer à son profit le symbole que représente la co-gagnante des précédents Hunger Games – à le récupérer, ou à le détruire. Le regard que pose Suzanne Collins sur les mécanismes de la manipulation d’une dictature médiatique est pertinent, au moins suscite-t-il la réflexion. L’adaptation, sans personnalité donc, relaye la lucidité de ce regard, qui est pour beaucoup dans la qualité de la saga. Fort heureusement, l’œuvre-mère est centrée sur les rapports inhumains de la politique et des médias, de façon presque obsessionnelle. Aussi ces préoccupations demeurent-elles au centre du film.
Plus friqué, ce deuxième épisode est visuellement plus prodigue : le monde de Panem est plus largement montré à l’écran, dans tout son gigantisme. Fort heureusement, mais se révèle également plus mesuré dans les outrances rococo qui donnait au premier volet des airs indigestes de pièce montée aux multiples décorations en stuc kitsch. Le vice pervers de la classe dominante est principalement concentré dans la menaçante personne du Président Snow, les autres ressortissants de la capitale étant pénétrés d’une mélancolie grisâtre. Plus que les costumes, ce sont donc les personnages qui se font l’expression de la décadence des bienheureux de Panem. C’est un progrès narratif notable, par rapport à un premier épisode qui pouvait se montrer particulièrement superficiel, laissant à la seule outrance des décors et des costumes le soin de décrire une société en déliquescence. C’est sans doute le seul progrès formel à constater, cependant. Le réalisateur Francis Lawrence ne se permet aucune excentricité, illustrant avec un beau sens de la régularité les épisodes clés du bouquin.
Malheureusement, Hunger Games : L’Embrasement n’a pas la longueur nécessaire à laisser se déployer son récit. Le début du film laisse deviner une tristesse, un sens de l’absurde glacial – une constante dans les récits d’anticipation après Le Transperceneige sorti plus tôt cette année, semble-t-il – qui ne survit pas à l’enchaînement mécanique des péripéties. Tout va trop vite, vidant le film de son potentiel émotionnel. À peine a-t-on le temps de percevoir les tourments de Katniss et Peeta face à la manipulation dont ils sont victimes, que nous voilà au terme d’un film qui semble revendiquer son statut d’épisode de transition en nous laissant sur notre faim.
L’œuvre de Suzanne Collins aurait mérité bien mieux. Expression à la maturité inattendue d’un réalisme politique qui rentre en conflit direct avec l’idéalisme supposé de la jeunesse, The Hunger Games reprend la tradition du triangle amoureux, prouvant qu’on peut en tirer autre chose qu’un océan de niaiserie (message transmis aux Twilight et autres Mortal Instruments). C’est la force de ce récit qui tire The Hunger Games, le film, vers le haut – mais il semble que ce soit presque automatiquement, sans rapport avec les efforts de l’équipe chargée de l’adaptation ciné.