Adaptation d’une trilogie littéraire récente, The Hunger Games s’adresse précisément au même public que Twilight : les ados et jeunes adultes. Si le film véhicule des valeurs hautement préférables à celles de la saga de Stephenie Meyer, le réalisateur Gary Ross ne parvient pas à rendre justice à la spécificité des livres : un récit à la première personne. Pas honteux pour autant, The Hunger Games reste cependant un produit hollywoodien bien sage. Dommage.
C’est d’autant plus dommage que coller à ce récit à la première personne aurait permis au film d’éviter des comparaisons fâcheuses. Mettez, en effet, une bonne louche de Battle Royale, une autre de Running Man, le tout assaisonné d’une pincée de Brazil, et vous obtenez The Hunger Games. On y retrouve ainsi un monde futuriste nettement séparé en deux mondes : une aristocratie toute-puissante, et une plèbe écrasée. Celle-ci doit, chaque année, offrir des jeunes gens en tribut pour des jeux du cirque qui copient exactement les épreuves de Battle Royale.
Terriblement long (2h22), le film souffre du « syndrome Harry Potter », qui veut qu’un livre à succès ne puisse se payer le luxe d’être adapté au cinéma : il faut qu’il soit copié lettre pour image, n’omettant rien. The Hunger Games va donc aligner longuement et sans discernement les épisodes nécessaires à la mise en place de son monde, plongeant son spectateur dans un ennui poli en attendant le moment de bravoure, à savoir les jeux eux-mêmes.
C’est pourtant dans ce moment que les intentions du réalisateur apparaissent le plus clairement : la confrontation ne l’intéresse guère, les tensions qui feraient ressortir l’animal en l’homme sont évacuées, au profit d’une angélisation totale de son héroïne. Gary Ross semble plus intéressé à l’idée de démonter les rouages de l’aristocratie du paraître qui contrôle ces États-Unis futuristes (nommés Panem). Le propos semble être de démonter la civilisation du tout-paraître, de se méfier de la mainmise des faux-semblants médiatiques sur l’image du réel. Pour potentiellement paranoïaque que soit ce propos, on le préférera tout de même aux niaiseries réactionnaires véhiculées par Twilight.
Pour autant, si l’intention est claire, elle est avant tout héritée du propos du livre : Gary Ross, qui avait réalisé le méconnu et plutôt fin Pleasantville sur un sujet finalement assez proche, échoue totalement dans sa tentative avouée de se placer du point de vue de sa seule héroïne. Impersonnelle, sa mise en scène parvient pourtant à exister dans quelques scènes, les plus violentes : les premières secondes des jeux eux-mêmes, une révolte faisant suite à la mort d’une des protagonistes… Dans ces moments, la caméra parvient à capturer aussi bien les tensions terribles, la violence sans pour autant être démonstratif – la meilleure façon de montrer la violence, tout en évitant une interdiction aux plus jeunes.
En dehors de cela, le cinéaste se borne à une mise en scène impersonnelle, laissant aux décorateurs et aux costumiers le soin de suggérer la corruption de Panem. Si le travail des premiers est tout à fait respectable, les choix esthétiques en matière de costumes sont absolument catastrophiques. Les coiffures sont grotesques – seule la moumoute improbable d’Orlando Bloom dans Les Trois Mousquetaires de Paul W.S. Anderson pourrait faire concurrence aux constructions capillaires des résidents de Panem ; les vêtements profondément ridicules, semblant vouloir rappeler les habits de l’aristocratie de Brazil, le côté rococo en plus.
Sous les tonnes de maquillages, la pourtant bonne Elizabeth Banks est à pleurer, tandis que Donald Sutherland, Woody Harrelson et Lenny Kravitz (si) cachetonnent tranquillement sans efforts apparents pour s’intéresser à leurs personnages. En premiers rôles, le casting est plus judicieux : on prend plaisir à retrouver Josh Hutcherson, qu’on avait aimé dans Le Secret de Terabithia, et Jennifer Lawrence, dans le rôle de l’héroïne, porte le film sur ses épaules avec brio.
Malgré leur performance à tous les deux, The Hunger Games n’est pas grand chose de plus qu’un produit sans réelle personnalité, malgré son budget colossal, estimé à 100 millions de dollars. Si on peut donc regretter que la narration originale des romans soit ici oubliée, on peut toujours se consoler devant les valeurs plutôt libertaires portées par le film. Le second roman, dont l’adaptation est prévue pour l’année prochaine, porte le titre L’Embrasement : rendez-vous est pris pour voir si les promesses murmurées dans ce premier épisode seront tenues.