Gerardo Latini, acteur raté, s’est rendu célèbre pour ses escroqueries de haut vol. À présent rangé, marié, il prend plaisir à raconter ses rocambolesques aventures à un homme qui a tenté de le plumer… Régler des diamants à l’aide de pâtisseries, échapper à une note de restaurant en menaçant de procès pour empoisonnement, organiser un faux mariage dans une fausse église avec un faux prêtre, rouler un général et un grand magnat de « pâtes aux œufs » ainsi que des journalistes à la recherche d’un scoop : Gerardo ne jouait jamais aussi bien la comédie que quand elle payait en gros billets. Première collaboration de Dino Risi et de son comédien fétiche Vittorio Gassman, deux ans avant le plus célèbre Fanfaron et trois avant Les Monstres, L’Homme aux cent visages, comédie alerte mais sans grande originalité, donne surtout à l’acteur l’occasion d’exprimer toutes les facettes d’un talent que ne renierait pas l’Alec Guinness de Noblesse oblige.
Avec son physique de bellâtre italien, Vittorio Gassman aurait sans doute pu se contenter d’enchaîner les rôles de jeune premier. Qu’il préférât, à trente-six ans, se tourner vers la comédie qui séduisait en général des acteurs moins bien faits de leur personne, est tout à son honneur. Le cinéma aime les charmants escrocs, les Arsène Lupin à qui on donnerait le bon Dieu sans confession — confession qu’on aurait bien du mal à obtenir d’ailleurs. La « comédie à l’italienne » n’a pas non plus oublié sa culture des masques et de la dissimulation, celle de la commedia dell’arte. Dans L’Homme aux cent visages (titre français qui se laisse un tantinet aller à l’exagération), Vittorio Gassman endosse dix-sept personnalités différentes : costumes et maquillage à l’appui, le voici à la fois réparateur de lignes téléphoniques et général dégarni portant binocle, futur époux disgracieux, et même… Greta Garbo. Son plaisir et son dynamisme d’acteur sont tellement communicatifs qu’on se prend à attendre avec impatience la prochaine transformation.
L’ennui, au fond, reste que l’intérêt du film tienne principalement sur cette performance. Le scénario — signé en partie par Ettore Scola, excusez du peu — s’enraye à force d’enchaîner les escroqueries, à la recherche de celle qui s’avérera la plus spectaculaire, jusqu’au plaisant (mais peu original) retournement de situation final, où l’escroc se trouve escroqué… par sa petite amie. Certes, la volonté d’égratigner au passage l’hypocrisie d’une certaine bourgeoisie italienne, en sus de dénoncer la corruption rampante dans l’Italie d’après-guerre, est patente, mais reste bien sage. Il faudra attendre encore quelques années avant que Dino Risi ne s’aventure vraiment plus loin, et plus fort, avec son génial Fanfaron.