Après le gentil Essaye-moi, PEF revient à la réalisation pour une comédie dans l’air du temps, qui nous apprend que l’argent n’est pas tout, et c’est heureux ma bonne dame, avec la crise qui menace de nous tomber sur le coin de la gueule. Mais si son premier film détonait par son côté féerique et intimiste, ce King Guillaume est le pas de trop dans cette direction pour le réalisateur. Non content d’être d’une insupportable mièvrerie, le film montre avant tout l’incapacité de son réalisateur à tirer parti des plus élémentaires ficelles de la comédie.
Pierre François Martin-Laval, PEF pour les intimes, c’est d’abord le membre fondateur des trublions de « l’esprit Canal » post-Nuls et Groland, les Robins des Bois. Jean-Paul Rouve et Marina Foïs, autres transfuges de la troupe, ont depuis longtemps su se faire une véritable place sur le grand écran. Le premier y est parvenu avec une autodérision de bon aloi (depuis Podium jusqu’au récent La Très Très Grande Entreprise) ; la seconde, avec une collection de rôles allant du plus que moyen au très émouvant (dans le remarquable Darling, notamment). Face à ces deux compères qui font aujourd’hui figures de stars hexagonales, PEF se montre plus discret – mais également plus ambitieux. Ainsi, voici venir son second long-métrage dans lequel il tient à la fois les rôles de scénariste, acteur et réalisateur. Il convient, pour l’évoquer, de sortir les violons, mais de préférence joués (faux) sur un clavier électronique Bontempi, vous savez, celui qui vous faisait rêver tout gosse, que vous avez eu pour Noël et dont vous n’avez jamais joué. Bref. Violons, donc.
Nous voici donc en compagnie de Guillaume et de sa femme. Ils vivotent, lui en tant que conducteur du petit train pour touristes gentils de la ville de St Leuleu (c’est en Bretagne, donc), elle en tant que tuba sous-exploité dans un orchestre campagnard. Leur grand rêve ? Avoir une « maison de leurs rêves », comme que c’est marqué sur l’affiche des promoteurs qui se trouve juste à l’entrée de leur lotissement de préfabriqués. Non qu’ils soient mal là-bas – après tout leur voisin les embête tout le temps, mais c’est juste pour leur demander de jouer à la crapette, ou alors les menacer rudement à grands coups de « Si tu me dis pas ton secret, je… je… je serai plus ton voisin !» Du Dostoïevski, donc. Du Zola ! Tout change le jour où Guillaume reçoit une lettre de son papa, qui lui annonce sur son lit de mort qu’il hérite du trône de l’île de Guerreland. Guillaume refuse d’y croire, mais, trompé par les (six) habitants de l’île, et croyant hériter d’une fortune, il signe pour devenir le nouveau roi d’un caillou pelé en plein milieu de la Manche. Évidemment, c’est là que les ennuis commencent, d’autant que madame en a profité pour jouer à la mannequin dans les grands magasins…
Dans une mémorable sortie, le tâcheron Luc Besson avait qualifié les films de cinéma d’« objets gentils » – pour qui a dû subir Angel‑A, Arthur et les Minimoys ou Le Cinquième Élément, l’image est quelque peu difficile à comprendre. Par contre, on peut difficilement enlever aux films de PEF que ce sont des « objets gentils ». Gentil, pour le précédent, certes. Mais King Guillaume épuise le champs lexical afférent : gentil, gentillet, mignon, à croquer… Mièvre ! Une heure et demie durant, PEF va donc promener un regard, un comportement, une diction de benêt bienheureux sur l’histoire de ce simplet devenu roi de rien et qui finira par se rendre compte que finalement, ben c’est l’amour qui compte (une bonne morale à la Besson, ça). Hélas, l’auteur de ces lignes admet qu’il a peut-être perdu son âme d’enfant – l’âge, vous comprenez – mais tout de même, la composition de PEF dans le rôle titre de King Guillaume ne suscite rien de plus qu’une irrépressible envie de lui coller des baffes, jusqu’à ce qu’il se réveille.
À ses côtés, Florence Foresti, en rupture de commissaire lesbienne caricaturale à la sauce Dikkenek, place quelques bons mots (généralement contenus dans la bande-annonce du film), le malheureux Terry Jones campe un rôle de prof d’histoire sénile pitoyable pour tout amateur des Monty Python, et les six habitants de l’île de Guerreland (au nombre desquels Pierre Richard, Omar Sy ou Isabelle Nanty) essayent de nous faire croire qu’ils sont méchants, traîtres et menteurs (c’est la spécialité locale) sans parvenir un instant à retrouver l’ironie de Pétillon, auteur de la BD à l’origine de ce naufrage. PEF semble n’en avoir cure : il a l’air tout content de nous avoir sorti sa mignonne petite historiette, avec les meilleures intentions du monde. En l’occurrence, l’enfer cinématographique est pavé pour un bon bout de chemin avec ces bonnes intentions.