Quatre ans après la sortie en salles remarquée de La Pivellina, les réalisateurs Tizza Covi et Rainer Frimmel proposent à nouveau un film hybride, naviguant entre fiction et travail documentaire. Dans L’Éclat du jour, le parallèle est d’autant plus saisissant que le scénario confronte ici deux hommes que beaucoup de choses opposent : Philipp, acteur connu de théâtre classique, et son oncle Walter, artiste de cirque qui a pas mal bourlingué au gré de ses expériences professionnelles. Entre ces deux personnages qui se découvrent sur le tard s’engage une réflexion autour de la distinction à opérer entre la vraie vie et les métiers de la scène. Au-delà du discours écrit, il y a évidemment un parti pris de mise en scène, celui de vider les plans de tout artifice pour revenir à l’essence du monde. Les choix de mise en scène des cinéastes s’engagent donc dans cette voie : mis à part l’appartement du comédien et le théâtre où il disparaît derrière son rôle, la plupart des scènes sont tournées en extérieur, en lumière naturelle et sans ajout de musique extradiégétique.
Pour autant, le film assume complètement et de manière cohérente sa dimension fictionnelle. Si les deux acteurs sont proches des personnages qu’ils incarnent (le premier est réellement un acteur de théâtre expérimenté tandis que l’autre s’est distingué dans les arts de la rue), l’écriture des dialogues et des scènes témoignent d’une cohabitation stimulante entre l’artifice et le réel. C’est de ce fragile équilibre que L’Éclat du jour tire sa force : déjouant les règles classiques du récit, le film s’abandonne à une certaine forme de désintégration comme si la finalité de l’exercice n’avait finalement que très peu d’importance. Sans enjeux dramaturgiques (tout au plus apprendra-t-on que l’oncle n’est pas le bienvenu pour le père du comédien), l’œuvre de Tizza Covi et Rainer Frimmel se laisse porter par une sorte d’étrange flottement. Si cette absence de didactisme scénaristique donne parfois le sentiment de ne pas trop savoir où les deux cinéastes veulent en venir, elle confère au film une liberté de ton qui fait de cette ode du retour au réel un objet fragile mais précieux.