De La Grande Magie, on retiendra principalement le joli tour que Marta (Judith Chemla) joue à Charles (Denis Podalydès) en profitant d’un spectacle de prestidigitation pour disparaître à travers champs. Il faut malheureusement un peu plus qu’une âme d’enfant pour croire aux rebondissements abracadabrants qui s’ensuivent : après avoir réclamé sa femme au magicien Albert (Sergi López), Charles se voit confier une boîte censée contenir son épouse, début d’une longue série de mystifications qui brouillent peu à peu la frontière séparant la réalité du spectacle.
Entre l’ironie d’un conte cruel et la langueur d’une méditation rêveuse sur les pouvoirs de l’illusion, le film de Noémie Lvovsky (adapté d’une pièce d’Eduardo De Filippo) distille sa fantaisie avec une mollesse surprenante. Plus que d’un simple manque de rythme, le récit pâtit surtout de la recherche permanente du bon tempo : les passages chantés et chorégraphiés peinent à dynamiser une narration poussive, l’utilisation de l’accéléré intervient aux moments les plus incongrus, et le surjeu des comédiens (Laurent Stocker en gendarme très « ionescien », Micha Lescot en directeur d’établissement criard) alterne avec un badinage moins survolté (Noémie Lvovsky, dans le rôle de Zaïra, l’assistante d’Albert désespérée par l’immaturité de son compagnon). À mesure qu’il se laisse convaincre par Albert de la nature illusoire de sa propre existence, Charles se coupe peu à peu de la réalité, au point de traiter sa propre mère en personnage de fiction : « Tu fais partie d’un jeu où on pleure. Ton personnage pleure. » Comme lui, on en vient à s’interroger sur la nature du spectacle auquel on est en train d’assister : quelque part entre la comédie légère et le théâtre d’avant-garde, la réalisatrice semble viser un point d’équilibre qui n’est malheureusement jamais tout à fait atteint.