Dans Le Caïman de Nanni Moretti, un producteur ne s’étonne même plus de la détermination du peuple italien à aller toujours plus au fond, à creuser aveuglément son trou jusqu’au point de non-retour. On pourrait dresser le même constat à propos de la comédie française. À voir cette Maison du bonheur, on en vient à se dire que finalement, Les Visiteurs, Le Dîner de cons et autre Placard sont de véritables petits bijoux de subtilité. Un seul mot pour résumer le premier projet en tant que réalisateur de Dany Boon : l’argent. Plus qu’une toile de fond (à la différence des Bronzés 3 et de La Doublure où étaient tout de même inclus d’autres ressorts scénaristiques), l’argent occupe ici absolument tout le cadre. Mais attention, il ne s’agit pas de n’importe quel milieu. Ici, on ne se préoccupe pas de savoir comment payer un modeste loyer ou de simples factures.
Que l’on se rassure, la famille Boulin – composée de Charles (Dany Boon), d’Anne (Michèle Laroque) et de leur insupportable fille – vit dans un très bel appartement de 128 m² sur les toits de Paris avec une terrasse de plain-pied de 52 m² avec vue sur la Seine. Monsieur travaille pour une banque, Madame traduit des livres en italien. Alors, pourquoi dans cette famille qui n’a a priori aucun problème pour subsister, l’argent occupe-t-il une place aussi importante ? Parce que Charles est radin, terriblement radin. Docteur Freud nous dirait probablement qu’il doit surmonter de terribles problèmes de constipation, mais ça, le film n’en fait pas état. Alors, il veille simplement à ce que la lumière soit éteinte dans les pièces non occupées, il s’interdit d’utiliser son téléphone portable au-delà de son forfait. Sa bourgeoise de femme en a plus que marre (on la comprend, comment vivre dans des conditions pareilles ?) et le met au défi de lui faire enfin un cadeau digne de leur niveau de vie, ce qui lui prouvera par la même occasion son amour.
Alors, Charles décide de frapper fort, mais très fort. Convaincu par un agent immobilier caricaturalement véreux (Daniel Prévost), il achète une belle maison de campagne à Argenteuil (!) qu’il doit rénover rapidement et à moindres frais. Pas de souci, l’agent immobilier lui met dans les jambes deux ouvriers forcément bêtes (après tout, ils ne sont qu’ouvriers, non ?) qui vont massacrer la maison plutôt que la restaurer. Passons sur les invraisemblances monstrueuses du scénario qui nécessiteront même l’indulgence d’un spectateur peu averti, La Maison du bonheur est, à l’image de son titre, un film qui pue. Déjà mal ficelée et pas inventive pour un rond (gags éculés, quiproquos téléphonés), l’histoire s’adresse à un public franchement restreint puisqu’on entend nous sensibiliser au parcours désespéré d’un pauvre homme qui doit débourser 590 000 € pour acheter une maison. Résultat des courses, il sera licencié, fera face à un interdit bancaire et devra vendre son splendide appartement pour 750 000 €. Personne ne voudrait vivre ça, c’est certain.
Mais devant la noirceur insoutenable du propos, qu’on se rassure, la morale est sauve. L’ami traître sera puni et le couple reviendra comme il était. C’était mieux avant, comme dirait le fameux dicton progressiste. Finalement, on peut au moins se dire qu’un SMIC et qu’une petite location nous protègent de ces travers de l’existence. Une chance inespérée en fin de compte. Merci Dany Boon !