Le cinéma intimiste français a de beaux jours devant lui… alors que Rohmer vient de rendre l’âme, l’actrice Valérie Donzelli a visiblement revu les films de ce dernier pour réaliser son premier : malgré quelques maladresses que l’on pardonne aisément à un nouveau-né fait de bric, de broc et de peu de monnaies sonnantes et trébuchantes, La Reine des pommes fait preuve d’une inventivité et d’un talent comique qui ne sont pas si fréquents.
On a regretté de voir si peu la Valérie Donzelli actrice, souvent cantonnée au petit écran malgré de subtiles apparitions sur le grand, notamment dans 7 ans, et même lorsqu’elles sont rapides, chez Guiraudie ou Anne Fontaine. Là voilà de retour en tant qu’actrice-réalisatrice à la sortie de son premier long métrage, La Reine des pommes, au scénario minimaliste et à la finesse comique oscillant entre le tremblement et le potache. Le fil narratif tient en quelques mots : Adèle a été larguée par Matthieu, ne s’en remet pas, et se laisse aller au marivaudage pour combler le vide d’une vie que seule l’impression d’être aimée comblait. Elle croise donc sur son chemin de célibataire en mal de fusionnel un mari volage, une cousine hypocondriaque qui l’héberge, quelques visages angéliques… et Paris. On retrouve quelque chose de Rohmer donc, dans le déséquilibre latent du parlé à la réalité, quelque chose de Mouret dans cette obsession de la légèreté, du fantaisiste. Valérie Donzelli réussit tout de même un grand pari : faire de son premier film une sorte de manifeste cinématographique, une forme de déclaration d’amour à un cinéma d’auteur très intimiste auquel on reproche souvent une écriture trop appuyée, trop discursive.
L’ouverture du film pourrait d’ailleurs faire pencher la balance du côté du surjoué : heureusement, Valérie Donzelli prend ses marques, change quelques lourdeurs en profondeur, mine de rien. Les poses de son personnage deviennent des situations, prennent vie dans l’espace cinématographique. C’est une forme de cinéma-oscilloscope qui nous est ici proposé : du plan fixe dialogué, on passe à la comédie musicale ou à une scène de poursuite infernale. La réalisatrice a quelques maladresses (d’écriture référencée pour le coup), mais ne lâche ni son rythme, ni ses personnages : ne sombrant jamais dans l’écueil du film égocentrique, elle laisse le décor physique vivre, le Parc Montsouris être un espace plus ouvert que le lieu d’une rencontre rapide et opportun. Elle utilise également ses seconds rôles comme les cellules engagées de son histoire embryonnaire : les scènes sont courtes, parfois surprenantes, drôles, mais ne forment pas un maelström de sketches vaguement montés. La Reine des pommes a sa cohérence : Valérie Donzelli aime visiblement les va-et-vient rohmériens, Tex Avery et les amourettes. Elle a le don du cheveu sur la soupe, du retournement, du sentiment distillé. Il n’est pas tant de jeunes cinéastes amoureux de l’incongruité. De l’invention, peu de moyens, une réelle direction d’acteurs… pas si courant, pas si usé à la corde, vraiment agréable.