Le premier long-métrage de Xiaoling Zhu est un film de sujets : un village au sud de la Chine, une rizière, une famille luttant pour sa survie, une jeune fille à la frontière entre tradition et modernité etc. Autant de thématiques passionnantes sur le papier mais que la réalisatrice peine à exploiter cinématographiquement, substituant malheureusement l’illustration à la mise en scène.
À la mort de sa grand-mère, les parents d’A Qiu, jeune adolescente de douze ans, se voient obligés de quitter leur travail en ville pour revenir au village s’occuper de la rizière familiale. Les saisons passent et les difficultés financières s’accumulent alors qu’A Qiu, qui rêve de devenir écrivain, travaille pour son passage au collège quand elle n’aide pas ses parents à la rizière.
L’histoire se situe en pays Dong, dont le peuple, minoritaire, a longtemps vécu en autarcie, survivant difficilement grâce aux récoltes de riz, avant de connaître une modernisation partielle vers les années 2000. C’est donc un monde dans le monde que la réalisatrice prend pour contexte de sa fable. Mais là où la confrontation d’un peuple, vierge de tout regard posé sur lui, à un regard de cinéaste, aurait suffi à faire la matière d’un film passionnant, la réalisatrice préfère multiplier les sujets annexes et sombre ainsi dans la pédagogie.
Parmi eux : l’exode rural, qui soulève la question de la survie des familles Dong et de la dispersion des familles. Les parents d’A Qiu sont partis travailler en ville et vivent éloignés de leurs enfants. Mais la réalisatrice survole ce sujet comme elle survole tous les autres sujets du film. Deux ou trois plans bâclés sur un chantier en ville, que le couple quitte précipitamment, pourront par ailleurs faire regretter au spectateur l’urbanisme chinois vu par Jia Zhang-ke (Still Life, 24 City, I Wish I Knew).
Un autre sujet passionnant est effleuré par le film : l’homme au travail, et plus précisément, le geste de l’homme. Là encore, aucune mise en scène ne vient donner chair à ce sujet si bien incarné par Los Herederos d’Eugenio Polgovsky, tentative cinématographique réussie d’immersion rurale.
Le passage des saisons, la dialectique tradition/modernité, beaucoup d’autres sujets pourraient ainsi être cités. Il y a la capacité à au moins quatre ou cinq films dans La Rizière, mais la réalisatrice ne tente rien, ne se saisit d’aucun sujet à bras-le-corps, à l’image de ces luttes de buffles – figures impressionnantes – auxquelles elle n’accorde une importance qu’anecdotique. Voulant trop en dire, Xiaoling Zhu ne prend pas le temps de filmer ses sujets et ses personnages, n’installe aucun plan et ne laisse ainsi aucune chance à sa multitude de sujets de devenir motifs ou phrases cinématographiques.