Le nouveau film de Nicolas Pariser, son plus réussi à ce jour, semble de prime abord entretenir une forme de paradoxe : si la mise en scène lorgne ouvertement du côté de la ligne claire de la bande dessinée, le récit organise dans le même temps un assemblage syncrétique de références, de clins d’œil et d’imaginaires divers. À la faveur d’un tortueux concours de circonstances, Martin, un comédien du Français (Vincent Lacoste), se retrouve embarqué avec Claire, une autrice de bandes dessinées (Sandrine Kiberlain), dans une enquête aux quatre coins de l’Europe pour empêcher les exactions d’une puissante organisation secrète. Le foisonnement de la fiction se marie pourtant naturellement avec la discrète élégance stylistique que cultive le film, jusque dans les quelques séquences maniéristes (l’ouverture à la Comédie Française, inspirée par L’Homme qui en savait trop). Hitchcock, Hergé, ou encore la judéité composent le soubassement d’une comédie d’espionnage toujours sur un fil, parfois fragile, entre premier et second degré. Ce n’est pas une mince affaire que de tenir cet équilibre, sans trancher entre le pastiche de La Mort aux trousses et l’esquisse d’un film burlesque (Lacoste qui se casse la figure en vélo, Kiberlain qui boitille pendant la moitié du film).
Une réserve, toutefois : le film se révèle plus convaincant lorsqu’il est électrisé par la vitesse de l’aventure que dans ses quelques pauses dialoguées. En témoigne la partie bruxelloise, plus faible, et notamment une scène qui accueille un gag si discret qu’il paraît à peine investi : tandis que Claire se confie sur son passé, Martin fait bouillir de l’eau puis cuisine des pâtes presque en un battement de cils, quand bien même la scène ne comporte aucune ellipse. C’est le point limite du film, qui procède parfois juste par touches (une couleur ici, une tonalité là) et parsème de petits éclats un récit qui reste cependant dans son ensemble tenu jusqu’au bout. Là encore, il s’agit d’une question d’équilibre : le découpage précis des séquences, en particulier celles se déroulant dans les théâtres de Paris et de Budapest, se fond dans la légèreté d’une comédie aussi sophistiquée que modeste. Cela sonne comme une évidence : ce cadre-là va bien au cinéma, ludique et cérébral, de Pariser.