Karel Zeman, dessinateur tchèque, invente une forme de cinéma hybride, mi-prise de vue réelle, mi-animation, qui puise son inspiration dans les récits de Jules Verne et lorgne du côté de l’esthétique début de siècle de Georges Méliès. La ressortie des Aventures fantastiques nous permet de redécouvrir ce cinéaste qui fait de chaque plan une invention formelle.
À travers le journal intime de Simon Hart, ingénieur passionné par le progrès moderne, nous suivons les funestes projets du comte d’Artigas, qui retient prisonniers sur son île secrète le jeune homme et son mentor, le professeur Roch, afin d’instrumentaliser le génie du savant dans un projet destructeur. En 1958, Karel Zeman réalise en adaptant Face au drapeau (1886) sa première incursion dans l’œuvre de Jules Verne, auquel il reviendra avec Le Dirigeable volé (1967) et Sur la comète (parfois intitulé L’Arche de M. Servadac, 1970).
D’abord dessinateur, Zeman a intégré en 1943 les studios d’animation de Zlin fondés par Hermina Tyrlová, s’inscrivant ainsi dans une foisonnante école tchèque d’animation. Développant un style très singulier s’appuyant sur le mélange entre prise de vue réelle et animation, il reste fidèle à une esthétique du XIXe siècle, tout en choisissant des récits peuplés de machines futuristes. Goût du passé et discours raisonné sur la fureur du modernisme se côtoient donc dans ses films très singuliers. Entre passé et anticipation Zeman dépeint un progrès scientifique qui conduit à l’invention d’un explosif surpuissant, véritable menace pour l’humanité.
À l’image de ce poisson perçu tête à l’envers par le jeune ingénieur Hart évanoui sous la mer, le cinéaste se plaît à jouer sur l’inversion de la perception. Réel et marionnettes se relaient donc pour incarner un même personnage, et les maquettes voisinent avec d’immenses décors dessinés en aplats. Jouant sans arrêt entre l’illusion de la profondeur et les décors en deux dimensions, Les Aventures fantastiques multiplient les effets visuels, notamment à travers de magnifiques vues sous-marines. Rappelant le goût de l’époque de Jules Verne pour les illusions d’optique et trucage d’images, Zeman fait onduler la surface de l’image, inverse les proportions, et va jusqu’à strier l’image de rayures grises pour rappeler les gravures qui ornaient les romans fantastiques publiés par les éditions Hetzel. Le tournage a duré deux ans, tant Zeman, semblable aux personnages de chercheurs et inventeurs qu’il met en scène, bricole ses images, les combine entre elles, passant souvent plusieurs jours à mettre en place la conception d’un seul plan, cherchant à chaque prise de vue à créer un effet de merveilleux.