Ancien capitaine de la BRB, Vincent Drieu se retrouve muté dans un commissariat du sud de la France promis à une rapide démolition. Là-bas, le laxisme et la désillusion font le jeu de la pègre locale. En analysant la main courante, Drieu va mettre au jour ce que plus personne ne voulait savoir… Du polar à la française… Raté comme bien trop souvent…
Depuis quelques années, le cinéma français tente de creuser à nouveau le sillon du polar. Avec Olivier Marchal en contestable figure de proue. Les célébrités du banditisme hexagonal sont convoquées devant la caméra : le gang des Postiches, Spaggiari, et bientôt Mesrine, l’instinct de mort. Les œuvres marquantes du genre ont un droit à un lifting forcé : Le Deuxième Souffle… Mais rien n’y fait. Impossible de retrouver le niveau de Série noire d’Alain Corneau. Même si La Clef a pu un temps paraître sur la bonne voie.
Les Insoumis ne fera pas exception. Tous les codes sont pourtant respectés. Le héros est un flic usé jusqu’à la corde, en froid avec sa hiérarchie, incapable de porter une arme depuis le décès en opération d’un de ses partenaires. Le climat est poisseux. La ville où il arrive est noyée sous le soleil, respire les effluves d’une énorme usine pétrochimique, tandis que la décharge locale fait office de terrain de foot. Quant aux flics qu’il est amené à côtoyer, ils exsudent la corruption. Pour le casse qui se prépare, la complicité d’un ou de plusieurs d’entre eux avec les braqueurs au sourire rare et à la gâchette facile semble bien vite évidente.
Mais connaître ses classiques ne suffit pas. Encore faut-il savoir s’en détacher pour éviter de sombrer dans les pires poncifs. Difficile de rester sérieux quand Drieu se met à cajoler un petit chaton opportunément abandonné. Difficile de ne pas regretter Carpenter quand le final tente un hommage raté à Assault on Precinct 13. Pour être clair, sur toute la durée du film, on compte un seul plan de cinéma : un grand angle sur Drieu courant le long de l’usine pétrochimique. Tout le reste n’est que mauvaise télévision, là où Claude-Michel Rome a fait ses gammes, en tant que réalisateur et scénariste (avec comme principal fait de gloire le portrait de Francis Heaulme, Dans la tête du tueur).
En soi, tout cela n’est pas si grave. Un navet de plus ou de moins ne changera rien à l’histoire du cinéma. Là où Les Insoumis agace véritablement, c’est que le film se targue mine de rien d’une vision sociale, comme un vrai polar, alors qu’il n’en est que la caricature. La représentation qui est faite d’une banlieue chaude est à pleurer. Comme si machettes et canons sciés étaient ainsi agités en plein jour. Tout aussi douteux, les nombreux inserts de vrais reportages télévisés montrant des affrontements entre CRS et manifestants inconnus semblent renforcer l’idée d’une déliquescence généralisée de notre bonne vieille France.
Les Insoumis donne des gages multiculturels (une sympathique fliquette black et musulmane), voire antiracistes (un méchant militaire à la retraite qui lit Pétain), mais n’oublie pas de rappeler la réalité de la menace (si Drieu parle couramment arabe, c’est qu’il a travaillé aux Renseignements Généraux). Et puis, Drieu, tout de même, comme patronyme du héros, l’allusion n’est pas innocente. Cela traduit le caractère suicidaire du personnage principal, mais cela renvoie également à la promotion d’un certain retour à l’ordre, à une forme assez droitière de morale, où l’avenir de la société se construit dans l’affrontement du camp du bien contre celui du mal, où il ne faut pas tromper sa femme, où le goût du travail et de l’effort est une valeur centrale.
Le choix du traître est en cela très parlant. Si la femme enceinte en vient être coupable, c’est tout le futur qui est remis en cause, rendu bâtard. Heureusement, avant de définitivement raccrocher, Drieu reprend une dernière fois les armes pour montrer de son canon très phallique le chemin à suivre. Les Insoumis, premier film de propagande sarkozyste…