Après Astérix et Obélix : L’Empire du milieu, la « reconquête » du public hexagonal promise par Jérôme Seydoux de Pathé passe par une adaptation dispendieuse – et en deux parties – des Trois Mousquetaires de Dumas. L’entreprise s’attelle, la tâche est ardue, à rafraîchir le genre compassé (et passé de mode) du film de cape et d’épée, mais aussi à remettre sur pied une tradition de « blockbusters » français se nourrissant, même lointainement, de la grande Histoire. Vincent Cassel, qui interprète Athos, s’est notamment fait au fil de sa carrière le visage de cette tendance, entre Le Pacte des loups, L’Empereur de Paris ou encore le Jeanne d’Arc de Luc Besson. Une menace guette quelque part toujours ce type de production : celle de ployer sous la lourdeur d’une reconstitution trop apprêtée et poussiéreuse ; bref, d’être tristement académique. Ce risque, on soupçonne Martin Bourboulon, à qui l’on doit Eiffel, de le prendre certes au sérieux, mais par le mauvais bout. Pour moderniser les aventures d’Aramis et consorts, il s’en remet à une série de choix qui figent l’ensemble dans une mise en scène empruntée et trop systématique.
Exemplairement, le film contrecarre l’écueil de la propreté (costumes et tableaux historiques tirés à quatre épingles) par une photographie délavée et une propension à figurer un Paris sale et boueux, souscrivant par là à une conception toc du « réalisme » que l’on retrouve désormais dans tous les films et séries d’époque (ou d’heroic fantasy). Il faut aussi en passer, notamment dans les vingt premières minutes, par une langue ne sachant trancher entre la prose dumasienne et le parler contemporain – « Je suis, euh, Charles d’Artagnan », se présente ainsi François Civil. Mais c’est ailleurs que le film accuse réellement ses limites, dans la chorégraphie des bagarres, qui toutes, à l’exception d’une (la rixe dans la basilique), s’en remettent à un plan-séquence pour épouser la frénésie des affrontements ou illustrer la synergie des mousquetaires – leur première bataille commune va jusqu’à rejouer la logique de l’affrontement final d’Avengers, dans lequel un plan unique reliait les différents super-héros entre eux. Or Bourboulon n’a manifestement pas les épaules pour remplir cette mission essentielle à la réussite du film : loin des morceaux de bravoure escomptés, les scènes d’action, mal fagotées, figurent parmi les plus illisibles et brouillonnes qu’on ait pu voir récemment.