Iron Man et Iron Man 2, L’Incroyable Hulk, Thor et Captain America : First Avenger avaient préfiguré le film qui sort aujourd’hui sur les écrans. Mais rien ne laissait supposer la réussite d’Avengers, projet consistant à réunir dans un même métrage tous ces super-héros. Malgré l’interprétation géniale de Robert Downey Jr dans les deux volets d’Iron Man et la capacité d’aiguillonner la curiosité des geeks et connaisseurs des séries par d’ultimes séquences post-générique très alléchantes, les différentes adaptations des comics Marvel ont souvent péché par leur pauvreté scénaristique camouflée sous un tonnerre d’effets spéciaux. On pouvait légitimement craindre le pire devant ce cross-over géant. Mais, contre toute attente, Avengers ne ressemble pas à ses prédécesseurs, ou plutôt il a conservé le meilleur de chacun.
Joss Whedon a indéniablement mouillé le maillot avec Avengers pour parvenir à l’équilibre entre film d’action et univers de super-héros. C’est grâce à son scénario (lui qui s’était illustré par l’écriture de Toy Story) que le métafilm trouve sa singularité. Chaque personnage s’était vu croqué psychologiquement dans chaque épisode : Tony Stark le comique narcissique, Thor le bourrin premier degré, Hulk la brutalité incarnée et Captain America le patriote binaire. L’intelligence d’Avengers (et de Whedon) réside dans la mise en relation de ces archétypes solitaires, peu habitués à faire équipe et encore moins à répondre à une quelconque autorité supérieure. Mais l’heure est grave. Le frangin psychopathe de Thor, Loki, a mis la main sur le Tesseract (cube qui ouvre une porte vers l’espace) et une guerre mondiale est proche. Nick Fury (Samuel L. Jackson), le patron du S.H.I.E.L.D. (agence d’espionnage agouvernementale) n’a d’autre choix que réactiver le programme Avengers. La première demi-heure du film (la moins intéressante) consiste donc à récupérer les héros aux quatre coins du monde (le docteur Banner en Inde, la Veuve Noire en Russie…) pour leur signifier leur enrôlement. Une fois tout ce petit monde réuni à bord d’un engin volant très steampunk, la fête peut commencer. Les individualités explosent, et les conflits aussi. Si les Avengers sont au nombre de six (la Veuve Noire et Œil de Faucon venant compléter la dream-team), la caméra n’a d’yeux que pour Iron Man. Cabotin, cynique, méchant, Robert Downey Jr joue sa partition à merveille. Pour les autres, cela est moins probant, et le film s’embourbe dans cette bataille interne, amusante mais un peu vaine.
Heureusement pour le public, Loki parvient à mettre en branle son plan machiavélique (ouvrir la porte et laisser déferler sur la Terre des forces maléfiques). Des milliers d’ennemis font alors leur apparition et les Avengers n’ont d’autre choix que se battre ensemble, chacun à hauteur de ses compétences. Morceau de bravoure de mise en scène, la dantesque bataille comble enfin les attentes des spectateurs. Après un démarrage un poil lent et verbeux, le film dévoile enfin des scènes d’action ébouriffantes et use à plein régime de son casting exceptionnel. Point culminant d’Avengers, cette dernière partie allie nœud narratif (issue de l’affrontement), enchaînement d’empoignades super-héroïques et humour décapant, le trio infernal de tout bon comics. Lors d’un plan-séquence à tomber à genoux, on suit les protagonistes d’un combat mano a mano à un dézingage surpuissant au marteau. Ça virevolte, ça saute, ça tombe. On suit Thor qui rejoint Iron Man dans les airs, puis la caméra abandonne l’homme de métal, car apparaît bord cadre Hulk. On colle alors aux basques du héros vert quelques secondes, le temps pour lui de retomber sur terre où on rejoint la Veuve, qui depuis le début massacre à tour de bras les aliens. Et la valse continue. Bourrée d’effets spéciaux (on imagine un tournage sur fond vert), la séquence est d’une fluidité absolue et d’une nervosité imparable. Sans compter les choix esthétiques, comme ce magnifique et gigantesque « poisson » de métal qui louvoie entre les buildings jusqu’à tomber sur Hulk. Alors que celui-ci incarne l’animalité incontrôlable de Banner (la surpuissance de ses coups le place en tête des héros les plus dangereux), Whedon a décidé d’en faire aussi un personnage éminemment drôle. Sans déflorer le sel de scènes hilarantes, disons que son mutisme et sa propension à la violence font merveille là où on ne s’attendait pas à trouver de l’humour (choix effectivement peu présent dans L’Incroyable Hulk). Ce contre-pied permet de transcender l’actioner qu’est Avengers en véritable film jouissif, irrévérencieux et mauvais esprit. Épique sans se prendre au sérieux, le métrage donne un coup de vieux aux Spider-Man et autres Batman, devenus au fil des adaptations des pensums métaphysiques loin de l’esprit ludique des comics. Seule l’utilisation de la 3D apparaissant (encore) comme un gadget inutile, nuit à la bonne lisibilité du film, donnant au choix le tournis ou la migraine.
Sans verser dans le grand-guignol facile, Avengers offre plus de deux heures d’un spectacle d’excellente tenue. Et si vous en voulez encore, il faudra patienter jusqu’à la fin du générique pour une surprise en forme de teaser de ce qui pourrait bien être une suite. On en salive d’avance.