Le troisième long-métrage de Thierry Klifa confirme le goût des anciens de Studio (cf. Marc Esposito et Le Cœur des hommes 1 & 2, bientôt le 3 !) pour le format télé et les brochettes de stars. Du magazine pour ados au feuilleton digne d’Un jour une histoire, Klifa a malheureusement sauté la case cinéma.
Beaux quartiers parisiens. Lena (Catherine Deneuve), présentatrice vedette du JT et sa fille Maria Canales, danseuse étoile (Géraldine Pailhas), sont piégées par l’opportuniste Mathieu Roussel (Nicolas Duvauchelle) qui prévoit d’écrire un livre scandale à leur sujet. Sur ce, on découvre Jean-Marc Barr et Marina Foïs en Bretagne, dont l’histoire va se mêler à celle de Paris pour donner lieu à un chassé-croisé lourdingue, dont les personnages trouveront leur point de rencontre et leur rédemption en la personne du jeune Bruno (Jean-Baptiste Lafarge, tire son épingle du jeu).
La réalisation sans intérêt ne permet pas de pallier un casting moyen et une histoire toujours très prévisible. Duvauchelle agace dans son rôle de salaud qui négocie avec sa mauvaise conscience (la scène où il fout tout par terre parce qu’il en a vraiment marre d’être une enflure, digne caricature de l’Actor’s Studio) et tombe bien entendu amoureux de sa victime (Géraldine Pailhas, sans saveur aucune). Deneuve, même si elle apparaît toujours dans son attirail bourgeois, tailleur et brushing à l’appui, on l’aime bien. Peut-être parce qu’elle apporte un peu de charme et de charisme à un film qui n’en a pas. De Potiche aux Yeux de sa mère, elle saute de son jogging rouge à son pyjama rouge (d’un costume de Wonder Woman à un autre), de sa maison bourgeoise provinciale à son appartement tout aussi bourgeois parisien. La présence de Marisa Paredes surprend. L’actrice ne trouve pas dans le film de rôle à sa juste valeur et on se demande bien ce qu’elle est allée faire dans cette galère.
Le plus dérangeant est le fait que Thierry Klifa engage avec Les Yeux de sa mère une histoire combinée de YouTube et de la télévision, dont des images empruntées ou tournées pour l’occasion parcourent le film sans que jamais le réalisateur ne nous donne de point de vue sur celles-ci, mais qu’il laisse au contraire baigner dans leur suffisance. Les couloirs de la chaîne où travaille Lena sont tapissés de portraits géants de la journaliste star (qui finit virée cf. un certain présentateur de la première chaîne). Frédéric Taddeï s’invite en guest star du petit écran. Bruno examine les images YouTube de la nomination de Maria comme danseuse étoile, référence à peine voilée à Pietragalla et aux images qui lui sont associées. Etc.
Le montage parallèle et incroyablement scolaire du dernier journal présenté par Lena, de la première de Maria à Chaillot et du combat de boxe de Bruno (censé être la séquence climax) donne le ton du film. Malgré des scènes dégoulinantes d’émotions manufacturées et enrobées d’une musique d’ascenseur (désolée pour les fans de Gustavo Santaolalla, compositeur d’Iñárritu, ils sont nombreux, on le sait), Thierry Klifa n’hésite pas à se comparer à Billy Wilder ou à François Truffaut. On découvre d’ailleurs dans le dossier de presse beaucoup d’autres choses aussi étonnantes. Klifa nous parle de son film, visiblement pas celui qu’on a vu à l’écran. Ou comment les réalisateurs français, en bons marchands de tapis, excellent à vendre un produit qui n’est pas celui qu’ils nous présentent. Lena serait « particulièrement concernée par la vie politique de son pays et l’évolution du monde ». Ah bon ? Le film serait un « thriller sentimental » ?! Ces déclarations sont à l’image du film : de la parlote. Celui-ci n’est pas même vide, il est fabriqué et c’est bien pire. Ce troisième long-métrage au casting de célébrités plaqué sur un scénario à l’émotion bien dosée a des allures d’exécution. Dans un entretien accordé aux Inrocks (n°779), Deneuve déclarait : « Le cinéma, pour moi, n’a jamais consisté à simplement raconter une histoire en la filmant correctement. Il faut un peu plus que ça quand même. » Eh oui Catherine ! On est bien d’accord.