Après La Croisade, où il naviguait maladroitement entre la comédie dramatique et la satire sociale, Louis Garrel s’aventure avec L’Innocent du côté d’un cinéma familial et grand public n’évoquant les tragédies ordinaires affrontées par les personnages que pour mieux les conjurer dans un grand mouvement réparateur. Cette trajectoire prend la forme d’un braquage réalisé « en famille » par Abel (Louis Garrel), sa meilleure amie Clémence (Noémie Merlant) et Michel (Roschdy Zem), un ex-taulard qui est aussi le nouvel époux de Sylvie, la mère d’Abel (Anouk Grinberg). Mené à l’insu de cette dernière, ce mauvais coup doit permettre de financer un projet cher à Michel et Sylvie : ouvrir une fleuristerie dans le centre-ville de Lyon.
Alors que le film semble se dérouler au début des années 2020, Garrel lui donne une patine résolument vintage, notamment grâce à la photographie bleutée et granuleuse de Julien Poupard. L’élégant personnage de Michel semble lui aussi venu d’un autre temps, avec sa moustache finement taillée, ses blousons en cuir et ses cravates à motif. Si L’Innocent tend parfois vers l’esthétique de la bande dessinée (notamment dans les quelques split-screens disséquant des scènes où un personnage en observe un autre), on regrette que Garrel laisse assez peu cours à ses velléités ludiques. Ou plutôt, qu’il les délègue à des acteurs inégalement dirigés et à un récit qui s’avère de plus en plus balisé au gré des rebondissements. Il ne reste en fin de compte à L’Innocent que sa belle enveloppe rétro – bien peu, en somme, pour faire passer un cap au cinéma encore un peu trop anecdotique de Louis Garrel.