Nina Wu est un film foisonnant, autant fiction consacrée au cinéma qu’œuvre fantastique et drame sentimental. Toutes ces pistes convergent toutefois vers l’héroïne, Nina (Wu Ke-xi), une jeune comédienne qui pense avoir déjà laissé passer sa chance, mais qui se voit proposer un rôle dans une production importante. Comme Perfect Blue avant lui, le film de Midi Z repose sur une construction retorse prenant pour fil rouge les cauchemars et les hallucinations qui assaillent la jeune femme, puis les réelles persécutions dont elle semble être victime. Le film suggère ainsi le glissement de l’actrice vers la folie et mise sur une confusion permanente entre le réel et l’imaginaire. C’est que l’intérêt principal de Nina Wu réside dans les fausses pistes qu’il met en place, repoussant jusqu’à sa dernière scène le dévoilement de l’origine véritable des angoisses de la jeune femme. Dans un premier temps, il est pourtant possible de les attribuer aux conditions de tournage particulièrement difficiles auxquelles elle est confrontée – Nina travaillant aux côtés d’un réalisateur violent et tyrannique –, avant qu’un trouble ne s’installe : une pièce semble manquer au puzzle. Le film se rapproche ainsi de Share, présenté lui aussi au dernier festival de Cannes, avec qui il semble partager la même scène primitive. Sa grande qualité réside ici dans sa structure, qui épouse le refoulement de son héroïne et ne révèle la source de ses traumas qu’au bout de son récit, lorsque la jeune femme semble enfin prête à en retrouver elle-même le souvenir. Cette trajectoire classique du film post-traumatique (on songe au personnage de Marnie, notamment par l’omniprésence du rouge dans les scènes d’hallucinations) subit ici une distorsion qui n’est pas sans évoquer, par fragments, le Lynch de Mulholland Drive.
Au-delà de ses références, Nina Wu se veut par ailleurs la description sans fard de la violence infligée aux jeunes actrices de cinéma, de leurs premières auditions jusqu’à leur préparation pour les tapis rouges. Si les scènes de tournage convainquent, la fin du film, qui esquisse un temps la piste d’une rivalité féminine malvenue, s’engonce quelque peu dans une outrance qui vient desservir la force de ce propos. Il s’agit là peut-être de la principale limite de Nina Wu : celle de ne pas tout à fait parvenir à condenser l’ampleur sociétale de son sujet à l’intérieur des différentes strates de son intrigue à tiroirs.