Au Centre spatial de Cologne, les préparatifs battent leur plein avant le grand départ de Sarah (Eva Green), qui vient d’être enrôlée au sein de l’ambitieuse mission « Proxima ». Racontant en parallèle son entraînement à la vie dans l’espace et la dégradation de sa relation avec sa fille Stella (Zélie Boulant-Lemesle), le dernier film d’Alice Winocour semble, à première vue, faire preuve d’une certaine habileté dans sa manière d’aborder les fêlures intimes de son héroïne à l’aune de l’exploration du cosmos. À rebours du récent First Man de Damien Chazelle qui, sur un sujet proche, assimilait l’immensité de l’univers à une sépulture à-même de recueillir le chagrin de Neil Armstrong, Proxima manifeste au contraire une retenue bienvenue lorsqu’il donne au départ la forme d’un arrachement à la Terre mère. Le film ménage ainsi un réseau de métaphores où la préparation physique de Sarah est envisagée à partir d’un imaginaire maternel – à commencer par les nombreuses scènes qui prennent place dans les piscines de Star City (le centre d’entraînement des cosmonautes), où les mouvements des spationautes évoquent ceux de fœtus baignant dans le liquide amniotique. L’alternance constante entre scènes d’entraînement presque documentaires et épisodes de la vie quotidienne souligne par ailleurs la part centrale des dispositifs techniques dans la séparation entre Sarah et sa fille. Il en va ainsi de la plus belle scène du film, durant laquelle Stella rencontre une dernière fois sa mère, la veille du départ. Séparée d’elle par la large vitre d’une salle de quarantaine, l’enfant la regarde en silence, tandis que son reflet cesse de coïncider avec celui de Sarah.
On peut toutefois regretter que le reste du film n’atteigne jamais l’intensité de cette courte scène. La faute en revient à une mise en scène qui illustre les intentions du scénario davantage qu’elle n’incarne formellement le processus de transformation de Sarah en space person. Le contenu élégiaque des dernières minutes avant le décollage de la navette se pare ainsi d’une naïveté embarrassante lorsque sont évoqués les souvenirs que les astronautes garderont de la Terre une fois perdus dans l’espace. L’éloge béat de la nature sauvage vers lequel le film converge (cf. l’improbable plan final où Stella s’émerveille d’un troupeau de chevaux au galop) prend ainsi le pas sur l’évocation des bouleversements climatiques qui affectent la Terre, discrètement mentionnés au détour d’une phrase par l’astronaute américain qu’interprète Matt Dillon. À terme, Proxima donne donc le sentiment de ne jamais aller au bout de ses promesses, rabattant in fine l’ambition d’un requiem pour la vie terrestre sur les dimensions plus modestes d’une chronique familiale somme toute assez banale.