Le film-hommage est en passe de devenir un genre à part entière, recouvrant les domaines et les champs les plus divers, de la résurrection de Michael Jackson durant les répétitions d’une tournée qui n’aura jamais lieu dans This Is It à la survie de l’intégrité journalistique dans À la une du New York Times. Avec toujours, en trompe-l’œil, la perspective d’une mort annoncée et, à l’arrière de ce funeste carrosse, la traîne d’un temps révolu et couronné de succès. Dans cet interstice, les cinéastes cherchent à faire cohabiter les réminiscences d’une grandeur passée avec la tristesse de la perte à venir, en un exercice hagiographique qui vire souvent à la démonstration d’auto-satisfaction.
Ronrons
Qu’il est étrange de s’appeler Federico n’échappe malheureusement pas à la règle, et vient même en remettre une couche. Plus qu’un portrait de Fellini, le film expose la relation qu’Ettore Scola entretint avec lui au cours des années. Comme si Scola, à travers cet hommage, tentait de faire renaître, sous couvert de servir la soupe à celui qui fut son grand ami, ses propres heures de gloire. Sa « voix » est de plus incarnée par un narrateur qui apparaît de manière intempestive au sein de la narration, attestant au passage que Scola cherche par tous les moyens à entrer par effraction à l’intérieur de son propre film (il choisit d’ailleurs ses deux petits-fils pour incarner les deux cinéastes lorsqu’ils étaient jeunes).
De leur passage au Marc’Aurelio, journal satyrique publié notamment sous Mussolini, on ne retiendra que les blagues effrontées et la rapide ascension des deux jeunes hommes, qui vont vite s’associer à d’autres auteurs pour servir leurs propres projets. Sans pour autant verser dans la prétention, Scola ne trouve pourtant rien de mieux à exposer que des scénettes sympathiques, mais au contenu purement anecdotique. Dans ces moments-là, Qu’il est étrange de s’appeler Federico ressemble plus au récit des souvenirs d’un grand-père un peu gâteux qu’à une véritable proposition de cinéma.
Cine-Scola
Et lorsque Scola se pique de vouloir tenter quelques « audaces », le résultat s’avère assez largement insuffisant. De l’hommage convenu à « l’esthétique fellinienne » en passant par les reconstitutions en studio (en référence à Cinecittà, où Fellini tourna un grand nombre de ses films), rien ne vient dérouter le récit de sa confortable marche en avant. La façon dont il met en scène la figure de Fellini, avec son chapeau, son écharpe rouge et son long manteau noir, s’avère tout à fait symptomatique des limites du film-hommage. Condamné à pourchasser des fantômes, des icônes du passé qui marchent maintenant dans l’ombre, et que l’on tente de remettre en lumière pour des motifs souvent peu recommandables.