Hollywood aime bien garder ses habitudes. Entre les films de super-héros et les dessins animés en 3D, l’été est aussi l’occasion de la sortie annuelle des comédies menées par un spécialiste du genre. Le cru du jour est donc le nouveau Adam Sandler, qui après une flopée de comédies assez sages (mais souvent drôles) retrouve l’esprit désinvolte qui caractérisait ses premiers films. Il manque peut-être la fraîcheur d’antan, mais ça fait quand même plaisir.
De tous les comiques américains qui bénéficient des louanges (plutôt justifiés) de la critique française, Adam Sandler fait figure d’exception puisque ses films n’ont jamais vraiment suscité l’intérêt aussi bien du public que de la presse. Il est le mal-aimé. C’est injuste, mais compréhensible car son personnage de brave-petit-gars-yankee-bien-de-là-bas incarne un peu le pôle républicain de toute cette vague de comédiens issus pour la plupart du stand-up et de la fameuse émission Saturday Night Live. Très ancré dans la culture américaine (la vraie, pas celle qui s’exporte ici), son humour oscille entre références sportives incompréhensibles, régressions infantiles et éloge de la débilité. Ses premières comédies, Happy Gilmore et Billy Madison (qui donneront plus tard son nom à sa future société de production : Happy Madison), foncent joyeusement vers des abîmes de bêtise exécutée sans le moindre complexe, et dont le plaisir apparemment manifeste que les comédiens ont pris à s’y compromettre achève de rendre irrésistiblement drôle et gentiment anarchique. Le succès aux États-Unis fut retentissant (et en France inexistant). Les studios confièrent donc à Sandler et son équipe un budget plus conséquent pour ce qui allait être le premier tournant de sa carrière : Little Nicky. Nanar cataclysmique, le film provoqua désolation et consternation partout où il passait. Seuls les esprits un peu pervers (comme certains membres déviants de notre rédaction) lui érigent aujourd’hui un statut de film culte. Sandler, pour pouvoir continuer à exister sur le marché, dut alors s’en remettre à des comédies plus consensuelles, plus familiales. Stratégie payante, car depuis une dizaine d’années, sort chaque été un nouveau film de son cru, avec un succès constant, et des qualités diverses (le dernier en date, Quand Chuck rencontre Larry, divise littéralement Critikat !).
Voilà pourquoi, aujourd’hui, c’est avec un certain étonnement que l’on accueille la sortie de Rien que pour vos cheveux (on applaudit une fois de plus la traduction du titre français !) qui semble vouloir renouer avec les délires du début. Ne serait-ce que dans la trame du scénario : un super agent secret des forces armées israéliennes, capable entre autres d’arrêter une balle de revolver avec sa narine, décide de tout plaquer et de se rendre clandestinement aux États-Unis pour devenir garçon coiffeur pour rombières dans un salon tenu par une Palestinienne, où il en profite pour satisfaire ses pulsions gérontophiles, pour la plus grande satisfaction de sa clientèle. Et en une heure et demie à ce train-là, on peut aller très loin. Alors bien sûr, la spontanéité du début n’est plus, engloutie par les dollars, le professionnalisme et le star-système, faisant tomber beaucoup de gags dans la facilité et la lourdeur. Mais le film, à force de jouer sur l’énormité, de ne reculer devant rien (pas même un joli lot de blagues racistes), parvient à atteindre ce qu’il y a de plus puéril en nous, et devient donc réjouissant dans son idiotie la plus totale. Et le talent de Dennis Dugan (réalisateur de l’hallucinant Ninja de Beverly Hills) à ne jamais s’élever au-dessus de tout ça (contrairement aux comédies françaises comme Les Dents de la nuit) mais, au contraire, de toujours se positionner au même niveau que son humour, de l’assumer et d’en faire un enjeu et un principe esthétique, n’y est pas étranger. Certains pourraient être rebutés par ce spectacle vil et refuser de participer à la crétinerie ambiante. Ce qui serait également compréhensible. Nous leur rétorquerons simplement qu’un film qui tente de se donner du relief en faisant fi du bon goût cinématographique et en n’hésitant pas à tourner en dérision des sujets aussi sensibles que le conflit israélo-palestinien, même à grands coups de débilité, aura toujours plus d’authenticité et de capital sympathie que la platitude tristement fédératrice et détestablement consensuelle d’un Bienvenue chez les Ch’tis. Et entre les deux, il faut bien choisir son camp.