Est-ce bien raisonnable ? Les créateurs de la saga de L’Âge de glace n’ont pas hésité à rappeler, sur l’affiche de Rio, leurs créations précédentes. C’est risqué, parce qu’en dehors des cartoons consacrés à Scrat, la trilogie de L’Âge de glace ne brille ni par son inventivité, ni pour son sens du rythme. Carlos Saldanha et son équipe auront-ils su se renouveler, au-delà de leur rongeur-cartoon ?
Non.
Tout ce qui faisait le ventre mou, la fadeur de l’intrigue principale des Âges de glace s’étale complaisamment dans Rio. Résumons : Blu est un ara… bleu (surprise !), capturé à sa naissance par des contrebandiers, puis recueilli par une petite fille dans une contrée enneigée bien loin du Brésil. Des années plus tard, les deux complices ont bien grandi, et Blu n’a jamais appris à voler, mais c’est pas grave, parce qu’il fait plein de trucs vachement cool comme font les humains (qui d’ailleurs ne volent pas, c’est donc logique). Mais Blu est le dernier mâle de son espèce, il va donc falloir le ramener sur ses terres natales, pour faire la connaissance d’une jolie jeune perroquette, fort peu encline à respecter un compagnon qui ne vole pas. Alors, quand en plus les braconniers, de nouveau, s’en mêlent…
Trois idées bien distinctes structurent Rio : la 3D c’est adapté pour les scènes de vol ; les romantic comedies c’est très bien ; les récits de réalisation de soi à la mode Disney Channel, c’est bien aussi. Il suffit ensuite de faire l’addition – l’addition, pas la multiplication. D’un côté, nous avons donc les scènes de vol, gratuites, correctement réalisées mais sans inspiration notable ni idées de mise en scène. Ensuite, le côté rom-com : ils se détestent, sont comme la nuit et le jour – évidemment, ils finiront dans les ailes l’un de l’autre. Enfin, la Disney touch : Blu ne vole pas, mais il retrouvera évidemment ses ailes au moment le plus dramatique. Rien, donc, de bien original, mais rien de bien honteux non plus dans ce conte mignon et enlevé, qui montre cependant bien les limites du style Âge de glace.
Sorti, donc, de la virtuosité rigolarde des séquences purement cartoon de l’écureuil Scrat, les effets de narration de la série Âge de glace / Rio tournent à vide. Visuellement, le film a quelques difficultés à diversifier son univers. Ainsi, les séquences de groupe laissent voir une tendance paresseuse à multiplier les clones : un seul perroquet aura servi à modeler tous les perroquets (personnages principaux exceptés) , un seul singe, tous les singes. On repense aux subtiles différences dont George Miller émaillait sa population de pingouins dans Happy Feet ; on ressent surtout, au spectacle de ce monde uniforme, une intense impression d’artificialité. Le même manque d’effort semble présider à la narration – entre rebondissement téléphonés et longueurs répétitives et inutiles, Rio raconte une histoire mille fois vue, de celles qu’on a certes plaisir à entendre une énième fois, mais qu’on abandonne volontiers quand quelque chose de plus frais nous est proposé.