Savoureux hasard du calendrier : une semaine après avoir fait l’événement dans le dernier film de Darren Aronofsky, avec un rôle à la sexualité réprimée, Natalie Portman revient sur les écrans français dans le rôle d’une toubib délurée partisane de l’« amitié avec bénéfices », confrontée à l’irrésistible séduction d’Ashton Kutcher. Un personnage sans audace, pour un film honnête mais sans la moindre surprise, par le producteur du très roublard In the Air.
Comme dit la chanson : « Let’s talk about sex ». Car on parle beaucoup de sexe (et on pratique un peu aussi quand même) dans Sex Friends : Emma forme, avec ses colocataires, une petite communauté de toubibs en devenir à la sexualité épanouie, sur le mode « quand on veux, quand on peut ». Mais Emma refuse, quant à elle, de se laisser aller aux sentiments : ni l’envie, dit-elle, ni le temps. Lorsque le beau Adam croise sa route une fois de trop, la belle s’embarque dans une relation qui pourrait devenir plus sérieuse qu’elle ne le souhaite.
Jason Reitman, fils d’Ivan, est l’auteur d’une filmographie aux airs progressistes – on y parle librement d’une toute jeune fille-mère (Juno), on y brocarde l’industrie du tabac (Thank You for Smoking), on y dresse le portrait sans concession (disons : voulu comme tel) d’un homme sexuellement très actif, se faisant prendre à son piège de la sensualité sans sentiments (In the Air). Emma semble le pendant féminin de ce dernier personnage – version Ivan Reitman. Si Sex Friends est loin d’être aussi pervers que In the Air, le film ne brille cependant pas par son honnêteté.
Avec ce film, Ivan Reitman utilise la méthode bien rodée proposée par Jason : balancer à son auditoire, en guise d’os à ronger, des thèmes relativement polémiques, en capitalisant sur ce seul aspect – mais sans jamais pousser la réflexion plus loin. Sex Friends ne fait jamais exception : on donne donc, pêle-mêle, dans la libération sexuelle féminine, dans les hommes aux foyers, l’homoparentalité (en passant, pour faire hype), la sexualité des seniors… Mais jamais, au grand jamais, le film de Reitman ne va pousser plus loin sa réflexion, ne va se saisir de son sujet – tous ces thèmes restent en surface, face au véritable discours de Reitman : c’est tout de même mieux, la normalité.
Car la modernité sexuelle, le fait de pouvoir disposer à sa guise de son corps, d’assumer ses choix – quitte à en souffrir, ou d’ailleurs à ne pas en souffrir, d’ailleurs, pourquoi pas ? –, cela n’intéresse pas Reitman. Tirer les ficelles usées d’un vaudeville mâtiné de comédie romantique prévisible, voilà le propos du réalisateur, qui remplit honnêtement – des années d’expérience – le contrat avec un récit cousu de fil blanc, parfaitement calibré pour la Saint-Valentin (la vision du film en avant-première ce soir-là, au milieu de tant de couples, et de tant de spectateurs esseulés, en somme au milieu du public cible, avait d’ailleurs certainement quelque chose d’émouvant).
Après une impressionnante performance – à côté de laquelle semble être passé Darren Aronofsky, d’ailleurs – Natalie Portman semble s’amuser à faire la gourde aux prises avec ses frustrations, tandis qu’Ashton Kutcher a l’air de se plaire à jouer l’homme parfait, idolâtré par toutes. Avec Cary Elwes et Kevin Kline (en roue libre) pour compléter l’affiche, Sex Friends s’offre un casting confortable, sur lequel repose son très plat et très convenu scénario. Loin du Lac des cygnes, Natalie Portman nous rejoue donc ici Le Vilain Petit Canard – ce n’est certes pas déshonorant, mais on sait à présent qu’elle est capable de bien plus.