Trois ans après son incursion au cinéma avec Ted premier du nom, le système de Seth MacFarlane, auteur de trois séries vaguement cultes (Les Griffin, American Dad et Cleveland Show) semble déjà à bout de souffle : déjà au stade du rebond (un an à peine après le four Albert à l’Ouest, MacFarlane veut se remettre en selle) mais aussi de celui de la redite. Car la trame de ce Ted 2 ressemble peu ou prou à celle du premier volet : si l’on écarte la toile de fond judiciaire (Ted essaie d’être reconnu comme une personne aux yeux de l’État américain), qui permet au film de prendre de molles allures de plaidoyer pour la différence, les intrigues et péripéties (beuveries, défis ratés, kidnapping de la peluche) se révèlent au fond presque les mêmes. Toutefois, ce maigre ajout scénaristique est un bon symptôme de ce qui ne va pas dans le film : on ne cesse de nous répéter que la peluche débridée est un être comme tout le monde, or non, au contraire, c’est précisément parce qu’elle est une anomalie (un vœu enfantin qui s’est miraculeusement réalisé) que la créature est un corps comique potentiel.
Le maigre intérêt du premier volet tenait justement à ce que MacFarlane, issu de l’animation, ne passait qu’à moitié à la comédie-live, le héros n’étant justement qu’une autre de ces entités cartoonesques auquel le créateur prêtait sa voix. Mais une fois l’effet de surprise estompé, le décalage ne fonctionne plus. Que Ted soit une peluche (même vulgaire ou priapique) n’a plus beaucoup d’importance, ce dont la fiction semble prendre acte : la spécificité du personnage est prise en charge sur un versant allégorique, mais presque plus dans le champ du comique. Ne reste qu’une figure d’adolescent attardé et pitre, strict égal de son camarade de jeu interprété par Mark Wahlberg, simplement un peu plus petit.
Fétichiste et boulimique
Sur quelle vision comique s’appuie donc alors le film ? Réponse : sur le fonds de commerce de MacFarlane, soit une abondance de sketchs comme de brusques flashs, complètement déconnectés d’une intrigue ou d’un principe de mise en scène, essaimant les références à la pop culture. Le film multiplie ainsi les guest stars, les clins d’œil à l’actualité récente (avec la première mention au cinéma de la tuerie de Charlie Hebdo – oui oui), mais surtout des pastilles parodiques qui s’adressent avant tout aux geeks, aujourd’hui cible privilégiée d’Hollywood. Que la dernière partie du film se situe au Comic-Con, grande messe de la pop culture, est, là encore, symptomatique : ce qui se passe y importe peu (les personnages rejouent de fait a minima la fin du premier film), ce qui compte est de pouvoir donner des coups de coude complices aux spectateurs partageant le même bagage culturel. Le film s’adresse à eux mais à personne d’autre : si les deux héros sont eux-mêmes geeks, il n’est guère innocent que la fille (Amanda Seyfried) qui les accompagne soit complètement étrangère à cet univers, ce qui lui vaut bien des moqueries (nouveau symptôme, ici du machisme soft de cet univers – se souvenir du rôle ingrat de Mila Kunis dans le premier volet, la copine chiante car adulte).
On ne sait pas tout à fait si le film est un sommet d’opportunisme qui vise à flatter son public ou si au contraire MacFarlane, lui-même visiblement geek, accumule avec plaisir les signes fétichistes. Au fond qu’importe, puisque même les quelques trouvailles sont finalement escamotées, à l’image de cette séquence où retentit la mythique musique de Jurassic Park alors que les héros admirent, bouche bée, un champ de marijuana. Bonne idée, mais MacFarlane est trop gourmand : il faut que son personnage reprenne jusqu’à une réplique célèbre du film de Spielberg (« They’re moving in herds. They do move in herds ») et surcharge le gag, qui fait plouf. Et lorsqu’à la fin le film touche pendant une poignée de minutes la possibilité de marcher sur les pas de Toy Story 3, c’est sur une ultime pochade d’un autre âge (et mauvais décalque du meilleur gag de Dumb et Dumber De) que MacFarlane achève de saccager son ouvrage. D’une lourdeur déjà pachydermique lorsque appliquée à des épisodes de vingt minutes, la méthode MacFarlane, ici aussi indigeste que diluée, touche définitivement le fond.