Premier gros succès de Sony Pictures aux États-Unis cet été, Cloudy with a Chance of Meetballs (le titre français perd l’ironie météorologique), déboule en France sur une sortie presque technique (une trentaine de copies). Difficile de faire concurrence à Pixar ou DreamWorks, particulièrement du point de vue de la qualité technique. Le style manga un peu lisse des personnages n’aide pas mais ce n’est pas sur ce terrain que le film tente de rivaliser. La 3D, qui évacue ici les détails des formes, des visages et des objets, rend cartoonesque l’univers déjà absurde du film. Inutile de creuser la veine moraliste ou politique, elle ne dépasse pas vraiment le pitch et reste surtout prétexte à une avalanche de gags efficaces à force d’être décalés.
Flint, fils de pécheur, est un inventeur génialement raté. Il habite dans une île « cachée sous le A de ATLANTIQUE », moindre des humiliations de cet ancien haut lieu de la pêche, déserté par la quiétude le jour où le monde réalisa que « les sardines, c’est dégueulasse ». Le décor est planté, sur des personnages trop fous pour être caricaturaux : le père, calme bloc de granit dont les yeux sont remplacés par des sourcils géants, le policier black ultra-athlétique et carré, dont les poils du torse vibrent quand ils sentent le danger (notons que Mr. T fait la voix anglaise), le singe totalement abruti de Flint, qu’il a équipé d’un déchiffreur de pensées… Il suffit de quelques minutes pour comprendre que tout est ici prétexte à la moindre blague, la plus absurde possible, qu’elle soit dialoguée à l’anglaise, physique et burlesque comme dans les cartoons, ou de situation. Et dans ce menu d’humours variés, c’est par l’absurde que Tempête réussit le mieux.
Forcément, lorsque Flint, après avoir créé des perroquets-rats, des chaussures en aérosol qui ne peuvent s’enlever ou une télé qui marche (disparue en courant peu après sa création), invente un appareil capable de fabriquer de la nourriture avec de l’eau, qu’il se met à pleuvoir des hamburgers, puis divers aliments, de plus en plus gros jusqu’à une tornade de spaghettis et à une grêle de boulettes de viande, inutile de s’attendre à un film réaliste ou social. Rien d’extraordinaire dans la forme, ni dans la structure ou les étapes imparables du scénario. Flint le nerd rencontre Sam la jolie miss météo (à ce drôle de détail près : quand les héroïnes entrent généralement dans les films un peu moches et se dévoilent au fil du récit de plus en plus belles, Sam le fait à l’inverse, relookée à son goût par Flint en fin de film : queue de cheval sérieuse et grosses lunettes). Les catastrophes seront empêchées et le père parviendra enfin à exprimer ses sentiments… Pas de surprise de ce côté-là.
Cependant l’équipe autour de Phil Lord et Chris Miller (le générique annonce : « A film by : A lot of people ») se soucie heureusement de placer des gags même dans les moments d’émotion, avouant pour une fois se foutre jusqu’au bout de tout ce qui n’est pas déjanté. Lorsque comme ici c’est au moins partiellement assumé, le phénomène sert le film. Impossible d’être exhaustif mais Tempête… contient quelques scènes d’hystéries qui valent le détour. Lorsque Flint, s’initiant à la sociabilité, entame une partie de boule de neige ultra-violente et rentre dans une maison dégommer parents et enfants, on croirait un fugace Funny Games. Idem quand une vague de crème glacée recouvre les rues et qu’une vue aérienne montre tous les enfants de la ville allongés le nez dans la « neige », rampants frénétiquement, l’hystérie collective prend une ampleur plutôt jouissive, non sans jouer de l’esthétique fifties des vieilles séries B catastrophe. Inutile en revanche de chercher la critique sociale. La société de consommation est épinglée pour suivre le scénario et plus par goût des gags que par une hypothétique volonté critique. Et en fin de compte le film reste bien plus sympathique à l’intérieur de ses limites, sans la prétention d’atteindre une seconde dimension, tout dédié à un amusement communicatif.