The Kid Stays in the Picture raconte l’ascension fulgurante, la chute et le retour d’une légende de l’industrie cinématographique hollywoodienne. Conté par la voix de Robert Evans lui-même, le documentaire met en scène un homme qui s’est donné comme mission de réaliser ses rêves.
« The kid stays in the picture ! » C’est par cette exclamation que Darryl F. Zanuck, patron de la 20th Century Fox, décida d’offrir le rôle du toréador Pedro Romero à Robert Evans, dans The Sun Also Rises (1956), d’Henry King, d’après le roman d’Ernest Hemingway. Dès lors, le « gamin » de la côte Est, né à New York en 1930, restera toujours « dans le film ».
Adapté du livre autobiographique du même titre de Robert Evans, The Kid Stays in the Picture ne reprend pas tous les événements relatés dans l’ouvrage ; il passe outre l’enfance du producteur, considérant qu’il est « né à Hollywood » en 1956… Car avant que Darryl Zanuck ne l’impose dans le film sus-cité, Robert Evans a fait son entrée dans le monde du cinéma comme on entre dans un conte de fées. Son histoire commence au bord d’une piscine de Beverly Hills : le jeune homme, au physique ravageur, est repéré par l’actrice Norma Shearer qui le fait engager pour interpréter son défunt mari, le producteur Irving Thalberg, dans Man of a Thousand Faces. Avant de plonger les deux pieds en avant dans la grosse machine hollywoodienne, ce jeune homme a déjà une carrière de comédien dans des feuilletons à succès, à la radio et à la télévision. Mais ayant choisi de se consacrer en 1950 au monde des affaires, il rejoint la société de son frère et du couturier Joseph Picone ; il devient alors millionnaire, avant même d’avoir atteint sa 25ème année. Mais quand on a le virus du cinéma et l’amour de sa propre image…
Nommé vice-président en charge de la Paramount Pictures en 1966, il fera remonter le studio, de la neuvième à la première place, en prenant des risques guidés par des convictions très ancrées. Pendant douze ans (un record de longévité pour un tel poste), Robert Evans ira de succès en succès, tous plus impressionnants les uns que les autres : Roméo et Juliette (Zeffirelli, 1968), Rosemary’s Baby (Polanski, 1968), Love Story (Hiller, 1970), Le Conformiste (Bertolucci, 1971), Harold et Maude (Ashby, 1972), Le Parrain (Coppola, 1972)… Les amis les plus proches d’Evans se nomment Warren Beatty, Jack Nicholson, Dustin Hoffman, Roman Polanski, Henry Kissinger. Se jouant des conventions, Evans a réussi à briser des règles établies dans une période (fin des années 1960, début des années 1970) où Hollywood avait justement besoin d’un second souffle.
Pour mettre en scène un tel monstre du cinéma, il fallait un sacré style ; car même si l’histoire de Robert Evans passionne à elle seule, il fallait trouver le ton pour captiver les auditeurs. Les réalisateurs ont alors trouvé un formidable serviteur : Robert Evans lui-même, dont la voix rauque, sensuelle et passionnée, fonctionne comme un repère temporel et sonore, d’où se dégage une musicalité inédite. Autre ancrage important : la maison d’Evans. Le lieu n’est pas choisi au hasard puisqu’il caractérise le mieux son domaine rêvé, celui où se sont joués les bonheurs et les drames de sa vie, la chose la plus constante de sa vie. En ayant recours à des images d’archives, des effets visuels, des extraits de films et des images originales filmées en 35 mm par le directeur de la photographie John Bailey, les réalisateurs tissent un portrait extrêmement riche, sensible et profondément humain du magicien de la Paramount. Grâce à la mise en scène de Brett Morgen et Nanette Burstein, ce documentaire est à la hauteur de la personnalité de Robert Evans : tout simplement captivant.
Avant de s’attaquer à The Kids Stays in the Picture, le binôme a été nominé aux Oscars en 1999 avec son premier film, encensé par la critique, On the Ropes, documentaire qui suit le parcours de trois boxeurs, selon les codes du cinéma-vérité. Qu’on ne s’y trompe pas, en matière de « cinéma vérité », la vraie version n’est pas unique : « Il y a trois facettes à chaque histoire : la mienne, la vôtre et la vérité. Mais personne ne ment. La mémoire partagée se met au service de chacun, d’une manière différente », dixit Robert Evans lui-même. Sans aucun doute, le spectateur se forgera lui aussi sa propre vérité sur l’homme. Mais il est une vérité, une et indivisible, qui résonne comme un entêtant refrain tout au long de The Kid Stays in the Picture : ce sont les rêves qui font marcher les hommes.