Hancock est un super-héros alcoolique et autodestructeur. Ses pouvoirs lui permettent de sauver d’innombrables vies, mais les dégâts collatéraux qu’il provoque au passage ont fini par le rendre impopulaire. Sa rencontre avec Ray, un spécialiste des relations publiques, et sa femme Mary va le révéler à lui-même. Une bonne idée de départ mal exploitée.
Depuis le 11-Septembre, le cinéma spectaculaire américain s’interroge sur le statut du héros, figure mythique qu’il avait poussée à son paroxysme au cours des années 1980 et 1990, avec les stéroïdés Schwarzenegger et Stallone comme têtes de gondole. La chute des tours du World Trade Center avait profondément perturbé le pays de l’Oncle Sam. Comment une nation portant si haut les valeurs de la démocratie pouvait-elle être tant haïe ?
Dans ce contexte, les comics étaient logiquement devenus la source d’inspiration majeure des studios hollywoodiens. Qui mieux que les personnages de Marvel et de DC interrogent les ambiguïtés de la surpuissance ? Se sont donc succédé à l’écran des héros en plein doute (un Spider-Man à la post-puberté contrariée, un Batman à la noire névrose…). Même Superman – pourtant le porte-drapeau d’une Amérique triomphante – se voyait dépeint sous un jour mélancolique.
La phase dépressive dépassée, l’outre-Atlantique nous envoie depuis quelques semaines des films où le super-héros revêt à nouveau des caractéristiques plus positives. Avec Iron Man, le bling-bling et une certaine décontraction faisaient jour derrière un propos gonflé de remise en cause de la politique extérieure des États-Unis ou plus exactement des pratiques des conglomérats industriels. Un point de vue loin de Batman et de sa critique latente de la haute société.
Hancock marque une nouvelle étape. Pure création des scénaristes Vincent Ngo et Vince Gilligan, ne s’appuyant donc plus sur la béquille comics, le personnage interprété par Will Smith colle au ton contemporain. En faire un alcoolique, cynique et misanthrope correspond tout à fait à cette déconstruction récente du héros décrite précédemment. Il en résulte d’ailleurs les meilleures scènes du film. Les destructions causées par ce SDF doté de superpouvoirs sont des plus jouissives.
Malheureusement les outrages aux bonnes mœurs disparaissent vite. Pour redevenir populaire, et ne plus déclencher l’ire de ses concitoyens, Hancock choisit de lisser son attitude. Soignant sa communication, il se moule progressivement dans le costume classique du super-héros, allergique au crime, dévoué à la communauté jusqu’au sacrifice. Mais perd du même coup tout ce qui faisait son charme.
La métaphore est claire. Les États-Unis ont certes commis des erreurs durant les dernières décennies. Ils ont fait de trop de morgue et de bien peu de diplomatie. Ayant tort sur la forme, ils avaient néanmoins raison sur la fond. Ils sont le bien. Ils sont le messager de Dieu. Ils doivent combattre le mal. C’est la mission qui leur est assignée et dont ils ne peuvent se défausser. Finies les interrogations, place aux certitudes.
Évidemment, d’un point de vue cinématographique, un tel prosélytisme n’est pas très productif. Doté de bons effets spéciaux, d’une musique talentueuse, d’acteurs en pleine forme (une Charlize Theron décidément troublante), Hancock n’est que l’ombre du film qu’il aurait pu être. Si la réalisation n’avait pas été confiée au faiblard Peter Berg. S’il avait été conçu comme une œuvre plutôt qu’un outil de propagande.