Joe Dante est un réalisateur discret, dont il faut cesser de minimiser l’importance. Dans son grandiose Matinee, le réalisateur de Gremlins dame le pion même à l’un des plus beaux hommages de l’histoire du cinéma, l’Ed Wood de Tim Burton, pour présenter sous les traits de John Goodman un hommage à William Castle, l’homme aux gimmicks, et le père d’une filmographie dédiée à un cinéma populaire et suranné dont La Nuit de tous les mystères demeure la figure de proue.
Un gimmick, c’est une accroche, une idée géniale qui va différencier un film dans une production bis pléthorique, et fasciner et fidéliser le public. William Castle n’a ainsi pas hésité à installer des moteurs dans les fauteuils pour les faire vibrer, à faire voler des squelettes dans les salles de cinéma… Émule d’Alfred Hitchcock, William Castle s’est illustré dans le cinéma d’horreur, mais il importe de souligner le joli retour d’ascenseur qui fit que ce dernier décida de lancer le tournage de Psychose en voyant les résultats au box-office de la Maison de tous les mystères, film d’épouvante à petit budget.
Le cinéma de William Castle est un cinéma ou, faute d’argent, on fait avec des idées. L’utilisation faite du scénario machiavélique en est un bon exemple. Le Dr Loren, dandy richissime, organise à la demande de son épouse une fête-aux-fantômes, louant pour cela une sinistre maison, réputée hantée. À ses cinq invités, présents pour des raisons diverses mais ne se connaissant pas, il promet la somme de 10.000 $ chacun, à tous ceux qui oseraient rester la nuit entière : sceptiques ou non quant à la réalité des fantômes, ils sont tous motivés par l’argent. Lorsque événements inexplicables et tentatives de meurtre se multiplient, qui saura dire s’ils sont effectivement le fait d’esprits malveillants ?
Aucun des protagonistes ne se connaissant, on nage avec la Nuit de tous les mystères en plein whodunit, le genre cinématographique qui invite le spectateur à tenter lui-même de résoudre l’énigme présentée devant lui – et à ressentir le même effroi que les personnages. En maître de cérémonie, Vincent Price survole le film avec élégance et désinvolture, et le spectateur ne cesse jamais de s’interroger – qui pense réellement quoi, qui ourdit quoi, et dans le dos de qui. En apparence, le récit adopte le point de vue du narrateur omniscient mais bien vite, le soupçon se fait jour : et s’il s’agissait de l’un des personnages au centre de l’intrigue, d’un véritable metteur en scène qui s’ingénie à nous faire passer par les mêmes affres que les hôtes de la maison sur la colline hantée (pour reprendre le titre original, House on Haunted Hill).
Pour ce faire, la mise en scène de William Castle va au plus efficace : effets de manche et trucs de train-fantôme sont au rendez-vous. Et qui dira que c’est une mauvaise chose ? Avec un art de forain consommé, William Castle convoque des images glaçantes, presque uniquement basées sur des effets de lumières et d’ombres. Matériellement, rien n’est utilisé de plus que ce à quoi sont confrontés les protagonistes eux-mêmes, renforçant l’implication de l’auditoire, toujours plus proche des protagonistes. La Nuit de tous les mystères représente à ce titre la quintessence du cinéma interactif de William Castle, mais également un classique culte du cinéma d’épouvante ancienne mode, d’une époque où l’on prenait encore plaisir à se faire peur.
Film témoin de cette époque révolue d’un cinéma-attraction, la Nuit de tous les mystères constitue également le compendium formel de la maîtrise de l’horreur par William Castle. Court et percutant, le film n’est pourtant pas exempt de lenteur, notamment dans son prologue. La Nuit de tous les mystères relève de la maîtrise de la dramaturgie et du rythme. L’édition DVD qui sort aujourd’hui, sans le moindre bonus, a avant tout le mérite de redonner un coup de jeune à l’image du film, et de contribuer à le remettre sur le devant de la scène. Une bonne chose, même si un travail éditorial plus poussé eût été plus excitant.