Après une ressortie en 2005, le magnifique road-movie de Monte Hellman refait surface aujourd’hui en DVD, aux États-Unis chez Criterion et en France chez Carlotta. L’occasion de se replonger dans un film rare et sensible, aussi discret et attachant que son réalisateur.
À l’instar du dernier Tarantino, qui n’existerait purement et simplement pas sans lui, Macadam à deux voies souffre en France d’un titre qui le renvoie aussitôt dans la catégorie nanar indigeste. Pourtant, contrairement au mal choisi « Boulevard de la mort », ce titre est pourtant la traduction littérale de son titre américain, Two-Lane Blacktop. Ce macadam, qui dès le magnifique générique d’ouverture défile dans la nuit au rythme des bandes jaunes, est le fil conducteur d’un film sans réelle action, qui suit deux jeunes hommes au volant d’une Chevrolet et accompagnés d’une auto-stoppeuse hippie, faisant la course à travers les États-Unis d’ouest en est contre un quadragénaire beau-parleur qui conduit une GTO. Pour financer leur périple, les deux jeunes hommes font des pauses et participent à des courses illégales contre d’autres passionnés de voitures comme eux. Macadam à deux voies est un film d’ambiance, contemplatif et mélancolique, qu’aucun scénario ne vient perturber. Le film suit son cours, et des plans divins émaillent le film, à l’image de la toute dernière image, qu’on ne décrira pas tant l’évoquer ne ferait qu’en ôter de la magie.
Macadam à deux voies a récemment eu droit aux honneurs d’une sortie en DVD aux États-Unis dans la collection Criterion. Les nombreux suppléments de l’édition américaine n’ont pas été repris dans celle que propose Carlotta aujourd’hui, mais les spécificités techniques restent en revanche les mêmes : le film est proposé dans une version restaurée, supervisée et approuvée par Hellman en personne. Au niveau audio, il est possible de choisir entre la version mono d’origine et une version DTS 5.1 plein débit, créée pour la ressortie du film dans les salles américaines en 2005.
On retrouve également un commentaire audio de Monte Hellman et Gary Kurtz, dont c’était le premier film en tant que producteur, et qui s’illustrera plus tard en produisant les films de George Lucas, parmi lesquels les premiers Star Wars, mais surtout American Graffiti, tourné dans la foulée de Macadam à deux voies, avec lequel il partage un même amour de la mécanique et des voitures, dont certaines visibles dans l’un se retrouveront dans l’autre.
L’édition de Carlotta comprend des suppléments originaux proposés sur un deuxième disque, à commencer par deux interviews d’une demi-heure chacune du critique de cinéma Jean-Baptiste Thoret. La première se penche sur la carrière de Monte Hellman, cinéaste discret à la mince filmographie mais qui n’a toutefois jamais cessé de travailler, parfois dans l’ombre la plus totale. La seconde interview est une analyse poussée de Macadam à deux voies, et de l’héritage du film sur la production cinématographique actuelle, de Gus Van Sant et son Gerry à Tarantino et son Boulevard de la mort.
Enfin, On the Road Again : retour sur Macadam à deux voies est un sujet d’une quarantaine de minutes, tourné pour l’occasion, qui montre Hellman, accompagné d’un petit groupe d’étudiants de sa classe à CalArts, se rendant à Needles, sur les lieux où il tourna des séquences de son film trente-sept ans auparavant. L’interview prend place dans la voiture durant le trajet. Hellman évoque un grand nombre d’anecdotes ou de choix qu’il a dû faire lors du tournage, comme celui du format cinémascope par exemple, qui ne s’est pas fait uniquement pour des raisons esthétiques, mais aussi économiques, ce format d’image étiré coûtant moins cher en pellicule. Autre choix important, celui de tourner le scénario dans sa continuité (Hellman remettait aux acteurs leur texte du lendemain la veille au soir). À propos d’acteurs, Hellman revient notamment sur la prestation de Dennis Wilson, le batteur des Beach Boys, qui tient le rôle du mécanicien, et dont ce fut la première et dernière expérience d’acteur à laquelle il s’essaya, et qu’Hellman qualifie d’idéale, par son investissement et son naturel. Sont évoqués également le montage initial du film, beaucoup plus long, les scènes coupées (hélas absentes du DVD), ou encore le fait que le film fonctionne alors qu’il n’est porté par aucune véritable histoire.
Au-delà de Macadam à deux voies, Carlotta sort simultanément un coffret collector de quatre DVD consacré à Monte Hellman comprenant sur un premier disque ses deux westerns avec Jack Nicholson, The Shooting et L’Ouragan de la vengeance, et sur un deuxième Cockfighter, qui date de 1974, ainsi que deux documentaires, Hellman Rider (une interview datant de 1989), et le réputé Plunging on Alone : Monte Hellman’s Life in a Day, réalisé en 1986 par Paul Joyce, qui signait là le documentaire de référence sur le cinéaste. Les troisième et quatrième disques reprennent quant à eux les spécificités de l’édition de Macadam à deux voies, avec le film sur l’un et les suppléments sur l’autre, auxquels vient s’ajouter un livret inédit d’une quarantaine de page.