Alors qu’en cette fin d’année le ciné-club de la revue fait la part belle aux fantômes et autres revenants, et après avoir fait cause commune avec les zombies de Romero dans le sommaire du mois dernier, la rédaction poursuit son dialogue avec l’outre-tombe à l’occasion de l’exposition « Vampires, de Dracula à Buffy » qui se tient ces jours-ci à la Cinémathèque Française. Cette dernière vient opportunément rappeler la réversibilité du lien de complicité entre le vampire et le cinéma. Il tient d’abord à ce que la permanence du genre dans l’histoire du cinéma repose sur cela même qui caractérise le monstre : comme lui, il doit, pour traverser les âges, se nourrir de sang frais, c’est-à-dire endosser ce qui, à chaque époque, prend la forme renouvelée d’un tabou. Mais si le cinéma offre sa substance et sa subsistance au vampire – son tribut de sang de vierge –, il en serait aussi peut-être, c’est du moins la question très littéralement soulevée par l’exposition, « la première victime ».
Deux cibles sont privilégiées, comme deux peaux offertes à sa morsure : d’une part, la pellicule, sensible aux distorsions auquel on la soumet et vecteur, à l’image, de contamination, et de l’autre la star (la vamp), qui se donne à la dévoration du regard. À cet égard, une séquence, parmi toutes celles présentées dans le parcours de l’exposition, retient spécifiquement l’attention : il s’agit du générique d’ouverture de Du sang pour Dracula (dont il est question ici in extenso). On y voit Udo Kier se préparer pour le rôle du comte avant d’entrer en scène, ce qui suppose de s’appliquer de la couleur sur le visage – le sang n’est jamais que du rouge, jusqu’à ce que le portrait soit composé. Un mouvement de caméra révèle que le regard de l’acteur qui se laisse pénétrer par son personnage ne trouve pas à se réfléchir, puisque le miroir qui fait face à Dracula ne lui renvoie pas son image. L’œil de la caméra – c’est ce que vient rappeler, pour finir, un habile arrêt sur image – ne se reflète pas, lui non plus, dans la glace. Le vrai vampire, c’est le cinéma.