Il y a plus de quarante ans, quelque part au cœur de l’Afrique de l’Ouest, une bande de doux dingues cinéphiles se promenait de quartier en quartier, tirait un drap blanc en guise de toile et y projetait des films d’Afrique devant un public conquis. C’était les prémices du Fespaco, le Festival panafricain de cinéma de Ouagadougou. La 22ème édition de cette biennale aura lieu du 26 février au 5 mars. Depuis la première édition, en 1969, le Fespaco s’est imposé comme LE festival des cinémas d’Afrique. Un pluriel qui nous oblige, car il y a autant de cinéastes, en Afrique, que de cinématographies, et qu’on voudrait voir cesser ce regard condescendant posé sur un art trop longtemps qualifié de « cinéma calebasse ». Qui ne s’esclafferait pas de rire devant les péripéties des drolatiques personnages d’Henri Duparc (Bal Poussière, Rue Princesse….) ? Qui ne serait pas bouleversé par cette douleur de l’exilé du somptueux Soleil ô, de Med Hondo ? Plus proche de nous, qui resterait insensible à la beauté des sables et des voiles mauritaniens d’Heremakono, du talentueux Abderrahmane Sissako ? Qui ne serait pas fasciné par cette incroyable épopée historique et poétique, cette tragédie grecque éthiopienne, Teza, pour laquelle son réalisateur, Haïlé Gérima, a été primé dans de nombreux festivals ? Mais c’est bien là que le bât blesse. Alors qu’aux quatre coins du continent naissent des films riches, des regards nouveaux, les cinémas d’Afrique sont-ils condamnés à n’être que des films de festival ? Où sont les producteurs et les distributeurs visionnaires, courageux, qui pourraient porter ces films jusque dans les salles, en Afrique, en Europe, en Amérique ? Quels États, à la suite du Burkina Faso, ouvriront des écoles de cinéma ? Qui, après Idriss Deby au Tchad, fort du succès de Mahamat-Saleh Haroun à Cannes avec Un homme qui crie, mettra la main au portefeuille pour rouvrir les salles ? Cette année, le Fespaco présentera près de deux-cent films (longs métrages, courts métrages, fiction, documentaire, animation, télé et vidéo…) Thème retenu pour les échanges des professionnels du cinéma à Ouaga : Cinéma et marchés. D’actualité… depuis de trop longues années. En attendant que ces marchés intègrent mieux les cinémas d’Afrique, Critikat prend l’engagement de vous rendre compte des pépites découvertes dans les salles ouagalaises pendant ce Fespaco.