Ils sont jeunes, pleins d’hormones évidemment, isolés sur une île, et chassés par le papa de feu l’un de leurs camarades. Celui-ci les tient pour responsables de la mort de son môme, et pas de chance, il faisait partie des Forces Spéciales de Sa Majesté la Reine. Résultat : un carnage gratuit, sans imagination, sans moyen, qui surfe sur la vague des thrillers d’horreur made in the UK, pour finir par couler à pic dans une vague de ridicule.
Ça devait arriver : la qualité et la popularité grandissantes des séries B d’horreur venues d’Angleterre (Dog Soldiers, Severance, The Descent, Isolation…) a fait que le « genre » a fini par déchoir. Résumons : il faut une image suffisamment sale pour que ce soit crédible, une approche biaisée du fantastique qui laisse la part belle à un traitement crédible de l’angoisse, peu de moyens (et que ça se voie). Isolation, déjà, poussait ce cahier des charges à ses extrémités et frisait parfois le ridicule, ce qui ne l’a pas empêché d’empocher le grand prix de Gérardmer en 2005. Avec Wilderness, on touche le fond : il s’agit à l’évidence d’un film importé pour surfer sur le retour en grâce du slasher méchant made in the UK.
Wilderness commet avant tout l’erreur de tourner le dos à ce qui fait la qualité de cette néo-horreur : l’originalité. Les gamins sont isolés sur une île, et chassés par le père d’un autre enfant mort, dans son esprit, par leur faute. Ça ne vous rappelle rien ? Des ados trucidés par la mère d’un gamin qui revit sans cesse le drame de la mort de son enfant, noyé dans un lac ? C’était en 1980, et ça s’appelait Vendredi 13. Confrontés à la terreur, les ados finissent par sombrer dans la sauvagerie et la paranoïa : là, on pensera plutôt à Battle Royale, où l’humour dévastateur et méchant de feu le réalisateur Kinji Fukasaku faisait merveille. Ici, d’humour : point. Le film se prend extrêmement au sérieux, au point de se poser en moralisateur, selon le thème : « voyez ce que le système carcéral fait de nos chères têtes blondes ». Mais cette critique sociale, si elle est sans doute justifiée, reste en filigrane derrière la maelström sanguinolent et benêt qui vise surtout à procurer le quota nécessaire de frissons à la minute.
La photographie tend à se rapprocher de l’effet de faux réel du calamiteux Projet Blair Witch, en omettant heureusement de filmer caméra à l’épaule. La mise en scène se focalise sur l’efficacité, selon les recettes éprouvées depuis Rambo, avec pour but de susciter la peur du tueur : en effet, celui-ci peut à tout moment se trouver fondu, camouflé dans l’image. Ce qui aurait pu donner une véritable originalité au film et un souffle novateur tombe à plat, tant l’idée est sous exploitée, faute notamment de moyens dignes de ce nom. L’indigence des effets spéciaux finit de briser Wilderness, avec des effets de maquillage primaire qu’il eût mieux valu, comme à la grande époque du slasher, laisser confinés dans l’ombre afin de leur laisser une certaine efficacité. En l’état, le jour éclaire malheureusement quelques effets de plastique ratés qui achèvent le film.
On trouve toujours quelques bonnes idées dans un ratage du type de ce Wilderness, si tant est qu’un semblant d’âme ait été insufflé au projet. En l’occurrence, le cynisme transparaît dans cette baudruche commerciale uniquement destinée à un public avide de pop-corn et de sensations fortes à bas prix. Il vaudra donc mieux préférer se rabattre sur une nouvelle vision du rigolard Severance, ou des très bons Ils et The Descent, plutôt que perdre son temps dans ce parent très pauvre de Délivrance.