L’ère du slasher a pour de bon mis pied dans le post-genre. Petit film d’horreur très attendu par ceux pour qui The Myth of the American Sleepover (du même David Robert Mitchell) avait été la bonne surprise de Cannes 2010, le cas It Follows est le fait d’une génération de réalisateurs biberonnés à Carpenter, mais aussi à Larry Clark : certains sont plus nostalgiques (House of the Devil de Ti West), d’autres, comme celui-ci, plus esthètes. Et c’est vrai que Mitchell a pour lui l’élégance : It Follows flotte dans les mythiques espaces résidentiels suburban dans des mouvements de caméras assurés et contemplatifs (à la limite de la posture), glissant sur les peaux suaves de sa bande de jeunes acteurs très beaux et éphébiques, au son de bourdonnements électro entêtants, et se préoccupe finalement moins de « raconter » que ne l’aurait fait Carpenter.
C’est que la littérature cultural studies a depuis longtemps théorisé la dimension punitive et sexuelle du genre slasher, où le tueur est toujours plus ou moins puceau, et ses victimes plus ou moins épanouies, et il y a fort à parier que la différence entre un cinéaste comme Mitchell et un auteur horror classique est que le premier a lu les textes en question. It Follows avance donc très conscient de la charge symbolique du tueur : la menace est ouvertement liée au sexe, puisqu’il s’agit d’une malédiction qui se transmet par l’accouplement (pour se conformer au petit surmoi puritain inhérent à tous ces films, l’on pourrait dire : la fornication), et met en danger de mort chaque nouvelle conquête sexuelle de la lignée, cible d’un zombie aux corps variables, sans identité. On l’appelle it (celui du titre), selon une belle idée également très carpenterienne de l’ennemi sans corps, invisible et épidémique, et sa proie est une lycéenne épaulée par une sœur et une poignée d’amis – petit groupe de jeunes gens qu’on dirait évadés d’un film de Gus Van Sant. L’aide qu’ils sont disposés à lui fournir est, notamment, sexuelle : le film s’amuse à remuer le bain d’hormones, effleurer l’inceste, précipiter les dépucelages – le genre est fait pour ça.
Il y a quelque chose d’un brin poseur dans les velléités contemplatives d’It Follows, ainsi que dans les aspirations existentielles de son texte, mais il faut bien reconnaître que Mitchell a les épaules pour de telles ambitions. Et il y a autant de cuistrerie que d’authentique panache dans sa façon de tirer son épingle du jeu en passant par Dostoïevski : It Follows ne tire pas de pure conclusion, mais laisse à un état assez ouvert et aplanit les dérèglements charnels du film – on n’en dira pas plus. Allez, n’ayons pas peur des mots : un grand slasher de premières fois.