Dans un village reculé du Maroc, Abdellah se fait appeler Abdelinho, à cause de la fascination qu’exerce sur lui Maria, l’héroïne d’un feuilleton brésilien qu’il regarde à longueur de journées. Son obsession est telle qu’il s’imagine vivre à ses côtés par l’entremise de son poste de télévision, auquel il adresse de longs monologues passionnés. Ces déclarations sont d’autant plus loufoques que Maria est une députée luttant contre la corruption immobilière à Buenos Aires, impliquée dans des affaires on ne peut plus éloignées de la romance fantasmée par Abdelinho. Ses mots doux trouvent pourtant un écho lorsqu’un jour, le personnage les entend, brisant le mur symbolique de l’écran de télévision.
Cette mise en exergue du pouvoir d’attraction de la télévision et de cette porosité entre réel et fiction est prolongée par la venue soudaine, dans le village, d’un « télévangéliste » qui le proclame « nid du mal », avant que l’ensemble des habitants ne se soumettent à une série d’interdictions. Si la critique sous-jacente des dictatures islamistes n’est pas toujours très fine, l’abolition de la séparation entre la vie des personnages et celle proposée par télévision occasionne par endroits un certain trouble, en même temps qu’elle fait naître des situations farfelues : lorsqu’elle répond à Abdelinho, Maria déborde du cadre du feuilleton dans des plans s’adaptant au format panoramique du film, tandis que le prophète de pacotille d’une émission qu’idolâtrait la mère du héros devient le gourou d’un village entier. En questionnant de la sorte la profusion conjointe d’images et de discours uniformisants, Ayouch met le doigt sur un mal qui ne touche pas que la société marocaine : le serpent de la désinformation, tapi sous les atours du divertissement.